De notre correspondant à Berlin
Il était clair que le marathon électoral de cette année avec sept scrutins régionaux ne serait pas une partie de plaisir pour la coalition impopulaire d’Angela Merkel. Ce 27 mars aura été un dimanche noir pour les chrétiens-démocrates qui perdent un de leurs bastions traditionnels. Le Bade-Würtemberg, une région industrialisée et prospère du Sud-Ouest de l’Allemagne forte de onze millions d’habitants et siège d’entreprises comme Daimler, Porsche ou Bosch passe à gauche. C’est un tremblement de terre pour la chancelière.
L’élection aura été un référendum sur le nucléaire. La dernière partie de la campagne a été marquée par un thème unique à savoir les conséquences des accidents de Fukushima. Dans un pays où le nucléaire suscite des polémiques de taille depuis les années 80, les craintes des Allemands ont atteint des sommets. Le gouvernement d’Angela Merkel a certes réagi en décidant d’un moratoire sur la prolongation de la durée d’utilisation des réacteurs et en en arrêtant sept d’entre eux. Mais sur ce dossier, le thème central a profité au parti écologiste fondé sur son rejet du nucléaire.
Les Verts doublent la mise par rapport au dernier scrutin et atteignent un score historique avec 24%. Le prochain patron de la région sera le sexagénaire Winfried Kretschmann, un ancien professeur austère, catholique pratiquant, dont la personnalité a séduit au-delà de l’électorat traditionnel des Verts. Il sera le premier ministre-président écologiste à diriger une des seize régions allemandes. Les sociaux-démocrates enregistrent dans ce même Land leur pire score de l’après-guerre et devront se contenter du statut de junior partner.
Le parti ne s’est pas remis de son échec historique lors des élections générales de septembre 2009 et ne parvient pas à convaincre les électeurs, a fortiori sur un dossier comme le nucléaire où les Verts disposent d’un bonus quasi naturel. En Rhénanie-Palatinat, l’autre région où l’on votait dimanche, le tenant du titre, le social-démocrate Kurt Beck perd dix points et sa majorité absolue. Il ne doit son maintien au pouvoir qu’au succès des Verts qui triplent leur score dans cette région de l’ouest du pays avec environ 15% des voix.
Mais les grands perdants sont donc les chrétiens-démocrates et leurs alliés libéraux. Certes Angela Merkel ne risque pas d’être victime d’un putsch, la plupart de ceux qui auraient pu lui faire de l’ombre étant éliminés. Pour autant, les discussions internes au parti chrétien-démocrate risquent de devenir plus intenses. Les milieux d’affaires émettent des critiques contre la politique économique du gouvernement. Les plus conservateurs lui reprochent l’abandon de certains « dogmes » essentiels comme la conscription ou le nucléaire.
Les turbulences pourraient être plus vigoureuses chez les libéraux du ministre des Affaires étrangères Guido Westerwelle. Le vice-chancelier a exclu avant même la fermeture des bureaux de vote dimanche de renoncer à son poste de président du parti libéral. Mais certains de ses adjoints sont sur la sellette. Le mouvement avait atteint un score historique lors des élections de septembre 2009. Ses piètres prestations au pouvoir depuis et ses scores médiocres dimanche remettent en cause la politique de sa direction.
Les experts estiment pourtant que chrétiens-démocrates et libéraux continueront à gouverner ensemble jusqu’aux prochaines législatives à l’automne 2013. De nouvelles élections aujourd’hui constitueraient un hara-kiri. La politique sinueuse d’Angela Merkel sur des dossiers essentiels comme l’euro, l’intervention en Libye ou le nucléaire est critiquée par beaucoup d’observateurs qui s’interrogent sur le bien fondé de la coalition au pouvoir dont le programme est des moins lisibles.