L’Italie redoute l’offensive des sociétés françaises

Les Italiens craignent de perdre le contrôle de leur économie. Après le rachat du joaillier de luxe Bulgari par le groupe français LVMH, au début du mois, c'est maintenant le groupe agroalimentaire transalpin Parmalat qui est convoité par le laitier Lactalis.

La surprise avait été totale jeudi 17 mars 2011, lorsque le groupe français Lactalis a annoncé avoir raflé sur le marché boursier 11,42% de Parmalat. Le ministre italien de l'Economie avait alors reçu l'ambassadeur de France et annoncé des mesures pour protéger les entreprises considérées par Rome comme stratégiques.

Mais cela n’a pas arrêté le Lactalis sur sa lancée. En trois jours, il a convaincu trois fonds de lui vendre leurs parts, pour atteindre une participation de 29,6% dans Parmalat, juste en dessous de la barre des 30% qui l'obligerait, selon la loi italienne à proposer une OPA sur le reste du capital. Lors de la prochaine assemblée générale du 12 avril, Lactalis semble en mesure d'imposer ces candidats au postes d'administrateurs.

La fronde italienne

Cette offensive du laitier français est très mal vue en Italie. La confédération des agriculteurs dénonce un cas à soumettre à la loi anti-trust, les éleveurs parlent du « pillage du made in Italy », et les syndicats critiquent le manque de politique industrielle de l'Italie.

Face à Lactalis, les autorités semblent pousser à la constitution d'un front autour de la banque Intesa Sanpaolo, deuxième actionnaire de Parmalat avec 2,14% du capital, du laitier Granarolo, et du chocolatier Ferrero. Toutefois Ferrero, premier groupe agroalimentaire de la péninsule, vient d'annoncer qu'il n'avait pas l'intention pour l'instant de lancer une OPA sur Parmalat, valorisé lundi à 4,3 milliards d'euros à la bourse de Milan.

Sur le plan institutionnel, l'administration fiscale italienne va vérifier le respect par Lactalis des dispositions réglementaires en vigueur en Italie. Le gouvernement s'est réuni aujourd’hui, mercredi 23 mars 2011, pour adopter un texte limitant les rachats de sociétés stratégiques par des groupes étrangers dans les secteurs de l'alimentation, de l'énergie, des télécommunications et de la défense. Ces limitations seraient fondées sur le principe de la réciprocité, permettant aux sociétés ciblées de recourir aux mêmes moyens de défense que ceux autorisés dans le pays de l'acquéreur.

Un paysage économique dépourvu de grands groupes

Ces mesures visent particulièrement les entreprises françaises, qui profitent de l'incapacité des entrepreneurs italiens à faire émerger des grands groupes. C'est notamment le cas dans le secteur du luxe, dominé en Italie par des groupes familiaux (Armani, Prada) trop petits pour rivaliser avec les géants français que sont LVMH, qui vient de racheter le joaillier Bulgari, ou PPR, propriétaire de Gucci notamment.

Les entreprises françaises sont présentes dans d'autres secteurs stratégiques comme les transports et l'énergie. Ainsi Air France-KLM possède 25% de la compagnie aérienne Alitalia et EDF 49% de l'électricien Edison.

Le sentiment anti français s'est exacerbé ces derniers jours en Italie, après que Vincent Bolloré, vice président de l'assureur Generali, ait refusé d'en approuver les comptes, en dénonçant leur manque de transparence. Cela a été perçu comme de l'arrogance.

Le dispositif français

Les investissements extra communautaires dans les entreprises stratégiques (sécurité, information, défense, armement etc.…) sont soumis à autorisation. L’autorisation est accordée sous réserve de certains engagements.

De plus, le fond stratégique d’investissement, FSI, créé en 2007 a pour mission « d’investir de manière privilégiée dans les entreprises stratégiques au regard de la compétitivité de l’économie ». Par ailleurs certaines entreprises adoptent des dispositifs pour se protéger d’investissements non désirés. Enfin, l’autorité des marchés financiers, AMF, prévoit des dispositifs d’alerte censés permettre à l’entreprise de détecter une prise de contrôle rampante d’un de ses actionnaires.

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