Loukachenko décapite l'opposition biélorusse

Au terme d'une journée électorale marquée dimanche 19 décembre 2010 par la victoire sans surprise du président Loukachenko, plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont manifesté dans les rues de Minsk pour demander l'annulation du scrutin et l'organisation d'un second tour. La police anti-émeute a dispersé la foule qui tentait de prendre d'assaut le bâtiment du Parlement. Quatre candidats et plusieurs centaines de personnes ont été arrêtés.

Le rassemblement était annoncé de longue date, à 20h sur la place d'Octobre, en plein centre de Minsk. A défaut de s'accorder sur le nom d'un candidat unique, et sans aucune illusion sur leurs chances de remporter le scrutin, l'opposition voulait s'offrir un baroud d'honneur. Comme en 2006, elle entendait protester contre les « fraudes » qui ont permis la réélection du président Loukachenko : celui-ci aurait obtenu près de 80% des suffrages, selon les chiffres de la commission électorale. L'ampleur de la mobilisation aura dépassé ses espérances et les prévisions des services de sécurité biélorusses.

Environ 30 000 personnes étaient présentes au début du rassemblement. Depuis les marches du Palais de la Culture des syndicats, Andreï Sannikov et les autres candidats de l'opposition haranguent la foule qui scande d'une seule voix « jivié Belarus », « vive la Biélorussie ». « Il ne faut pas que le sang coule aujourd'hui, nous ne voulons pas de violence. Le peuple ne le comprendrait pas », assure Vladimir, 23 ans, venu manifester avec des amis. « Simplement, nous ne voulons plus de Loukachenko ». Sur la place, la foule est calme, seuls quelques policiers en civil sont visibles.

L'indécision règne dans les rangs des meneurs politiques de l'opposition

Vladimir Nekliaev, un des principaux chefs du mouvement, a pourtant déjà été agressé à quelques rues du rassemblement. Des « inconnus » l'ont attaqué à l'aide de grenades assourdissantes et le candidat souffre d'une commotion cérébrale. Dans le coma, l'homme est emmené par ses partisans dans un hôpital. Revenu à lui, il a été « kidnappé » quelques heures plus tard.

Sur la place d'Octobre, les manifestants ne veulent pas en rester là. Andreï Sannikov assume la tête du mouvement et entraîne la foule sur l'avenue de l'Indépendance, l'avenue principale de Minsk. Visiblement, l'indécision règne dans les rangs des meneurs politiques de l'opposition, dépassés par l'ampleur de la mobilisation. Des discours sont improvisés, on se concerte. Dans le cortège on s'interroge : où va-t-on ? La marée humaine se dirige finalement vers le centre symbolique du pouvoir politique biélarusse, le bâtiment du gouvernement, qui abrite aussi le Parlement et la commission électorale.

En quelques minutes, les entrées du bâtiment sont nettoyées.

« Nous exigeons un deuxième tour au scrutin », lancent les candidats au micro. « Nous sommes un seul peuple », reprend la foule. Devant le Parlement, certains ont choisi des actions plus radicales. Les portes vitrées sont enfoncées, mais l'entrée du bâtiment a été condamnée par les forces de police retranchées à l'intérieur. Une heure durant, la foule hésite. Andreï Sannikov prend l'initiative d'entamer une médiation avec les militaires. « La police avec nous », scandent les manifestants. Peine perdue, le président Loukachenko ne lachera pas prise, et personne n'a de plan.

A 22H30, les forces anti-émeutes entrent en action. Casques sur la tête et boucliers au poing, les spetsnaz sortent du Parlement et dispersent la foule à la matraque. Quelques manifestants sont roués de coup au sol. En quelques minutes, les entrées du bâtiment sont nettoyées.

La foule reflue rapidement, provoquant un début de panique, tandis que deux cents personnes restent bloquées derrière un cordon de policiers. Elles seront finalement arrêtées et emmenées dans des fourgons, tout comme Andreï Sannikov et trois autres candidats de l'opposition. Une demi heure après le déploiement des forces spéciales, la place est reconquise et la circulation peut reprendre. L'opposition biélorusse a été décapitée.

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