Le bouillonnant Alexandre Loukachenko est monté en première ligne dans la guerre du gaz qui oppose son pays à la Russie voisine. Lors d’une rencontre avec Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, l’homme fort de Minsk n’a pas hésité à pointer du doigt son homologue de Moscou : « Un président ne doit pas se comporter ainsi et surtout le président d'un Etat allié », a-t-il dit en faisant clairement allusion au président russe Dimitri Medvedev.
Dès lundi, le Kremlin avait donné son feu vert au géant gazier russe Gazprom, afin qu’il réduise ses livraisons de gaz à la Biélorussie. Une réduction progressive, qui atteignait 30% le deuxième jour, et devrait monter jusqu’à 85% des quantités de gaz normalement livrées à la Biélorussie. La raison invoquée par Moscou, c’est la dette de Minsk au titre du gaz fourni jusqu’à présent, soit 192 millions de dollars.
Mais, pour les Biélorusses, c’est la Russie qui doit de l’argent. Une somme de 260 millions de dollars selon le président Loukachenko, représentant les droits de transit du gaz russe vers l’Europe, fortement augmentés en 2006. La presse russe évoque aussi, derrière cette dispute d’argent, le ras le bol du Kremlin qui ne veut plus soutenir financièrement la Biélorussie en échange de belles paroles non suivies d’effet. A la fin du mois de mai, Minsk avait boudé une rencontre tripartite Russie-Biélorussie-Kazakhstan, destinée à promouvoir l’union douanière entre ces trois pays, voulue par Moscou.
Des tensions avec l'Ukraine
Pendant de longues années, à travers Gazprom, Moscou a vendu très bon marché le gaz à ses anciens alliés soviétiques. La Biélorussie ne payait qu'un faible pourcentage du prix du marché. A partir de 2006, les Biélorusses ont du payer plus cher pour le gaz, et surtout, ils ont cédé à la Russie 50% des actions de leur société gazière Beltransgaz. En contrepartie, Minsk a fortement augmenté le prix de transit du gaz destiné aux pays de l'Europe, une décision contestée par Moscou. Avec l'Ukraine, des tensions semblables, liées aux prix du gaz russe et aux taxes de transit, ont débouché sur des crises à répétition. Celle de janvier 2009 a privé l'Europe d'approvisionnement en gaz pendant près de deux semaines.
La Russie veut renforcer sa position vis-à-vis de l’Europe
La Russie est accusée, à travers Gazprom, de chercher à prendre sous contrôle les gazoducs d'Ukraine et de Biélorussie, pour renforcer, du même coup, sa position dominante vis à vis de l'Europe. Le pouvoir pro-occidental de Kiev a empêché pendant des années ce processus. Moscou semblait mieux placé après l’accession au pouvoir du président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovitch. Toutefois, contrairement aux propositions du Premier ministre russe Vladimir Poutine, son homologue ukrainien Mykola Azarov, vient d'annoncer que Naftogaz, la société gazière ukraineinne, n'est pas prête à fusionner avec Gazprom. La guerre du gaz, dans l'est de l'Europe, est sans doute loin de sa fin.