En Turquie, procès de 196 militaires soupçonnés de tentative de putsch

Un procès historique s'est ouvert ce jeudi matin 16 décembre en Turquie dans un tribunal aménagé dans un centre pénitentiaire de Silivri, près d'Istanbul. Sur le banc des prévenus : près de 200 suspects tous militaires, soit en retraite, soit d'active, et parmi lesquels pas moins de 60 généraux ou amiraux,  accusés de tentative de coup d'Etat contre le gouvernement issu de la mouvance islamiste. Ils risquent jusqu'à 20 ans de prison.

L'affaire remonte à 2003, un an après l'accession au pouvoir en Turquie du Parti de la justice et du développement (AKP), un parti religieux et conservateur. C'est à cette période que des militaires, parmi lesquels des généraux, imaginent, selon l'acte d'accusation, une série d'actes violents.

La liste publiée dans la presse turque fait froid dans le dos : des attentats contre des mosquées, des assassinats et même un accrochage avec l'armée grecque. Tout cela ayant pour but de provoquer le chaos en Turquie et déstabiliser le nouveau pouvoir en place.

Les accusés, des militaires en activité ou à la retraite, nient les faits. Ils expliquent que les documents saisis par la justice et tentant à prouver leurs mauvaises intentions, n'étaient en fait que des scénarios d'entrainement pour l'armée, en aucun cas de réelles tentatives de déstabilisation.

Combat entre le gouvernement et l’armée

Le procès hors norme qui s’est ouvert ce jeudi près d’Istanbul fait suite à une série de mises en cause de l’armée. Une affaire similaire, Ergenekon, a aussi défrayé la chronique ces dernières années en Turquie.

Ces affaires illustrent les tensions entre l’AKP, le parti religieux au pouvoir, et l'armée, gardienne traditionnelle de la laïcité en Turquie. Selon Alican Tayla, chercheur à l’IRIS, Institut de relations internationales et stratégiques, « il s’agit d’un combat politique entre le gouvernement et l’armée. Même si la procédure est judiciaire, la justice n’est pas totalement indépendante en Turquie ».

Les cercles laïques voient, en effet, dans ce procès une tentative du gouvernement de réduire au silence l'opposition et de poursuivre un agenda caché d'islamisation du pays.

Dans l'entourage du pouvoir, au contraire, on juge ce procès salutaire, un moyen de mettre un terme à l'intervention de l'armée dans le jeu politique.

Alican Tayla rappelle que « la Constitution turque est issue d’un coup d’Etat datant de 1980 » et qu’ « en 50 ans, l’armée a renversé trois gouvernements ».

Tension dans la salle du tribunal

Lors de l'audience, le Président a dû faire plusieurs rappels à l’ordre quand certains accusés, au moment de la vérification de leur état civil, ont tenté de politiser l’arène. Après quoi les avocats de la défense ont déposé un recours pour récuser les juges en fonction, qui n’a guère de chance de déboucher.

C’est donc le 28 décembre que les choses sérieuses reprendront, avec la lecture des charges pesant contre les 196 accusés, et sans doute les premières passes d’armes puisqu’ils réfutent et les accusations qui pèsent contre eux et les documents qui portent leurs signatures, malgré une expertise confondante.

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