Le puzzle de la défense antimissile européenne

Le programme est ambitieux : assurer la protection des villes et des populations européennes grâce à un bouclier antimissile essentiellement américain. Le sujet a suscité un certain débat à Lisbonne où se déroule le 24e sommet de l’Otan, mais finalement l'Alliance atlantique devrait réaffirmer la dissuasion nucléaire comme le cœur de sa posture de défense, le bouclier venant la renforcer.

Durant la guerre froide, les Etats-Unis avaient placé sous leur protection leurs plus proches alliés en Europe. On parlait à l’époque du « parapluie nucléaire américain » sur le Vieux continent.

Aujourd’hui Washington propose une défense antimissile « intégrée » avec ses alliés de l’Otan. La question divise en Europe. La France qui a développé sa propre force de frappe nucléaire dés les années soixante estime que la défense antimissile peut être considérée comme un complément à la dissuation.

D’autres partenaires au sein de l’Otan, comme l’Allemagne, prônent « l'option zéro », la disparition totale des armes atomiques au profit de l’antimissile. Juste avant le sommet de Lisbonne, Paris et Berlin ont annoncé avoir mis un terme à leur différend sur la question.

Mais les experts sont formels, d’ici dix ans, une cinquantaine de pays dans le monde maîtriseront la technologie des missiles à moyenne et courte portée. Aujourd’hui, des missiles conventionnels, mais demain qu’adviendra-t-il si leur têtes transportent une charge nucléaire ? La menace d’ Etats dits « voyous », pouvant prendre en otage une nation occidentale en la menaçant avec une arme atomique, est prise au sérieux dans tous les états-majors.

A quel prix ?

C’est déjà le coût prohibitif du bouclier antimissile voulu par George Bush qui avait conduit à son abandon par le Pentagone l’an dernier. Son successeur Barack Obama a préféré un système plus souple, et déjà éprouvé, basé sur un missile déjà existant, le SM3. Un missile capable de détruire en altitude des engins ayant une portée de 1 000 à 5 000 kilomètres environ.

Fort de cet expérience, les Etats-Unis, et l’Otan, lancent donc aujourd’hui l’idée d’une « défense territoriale » au profit des populations européennes. Sur le papier, le projet est attractif, car il s’appuie, là encore, sur une technologie déjà employée par l’armée américaine pour la protections des soldats sur le terrain.

L’adaptation de ces missiles à la défense des concentrations urbaines, coûterait selon l’Otan près de 200 millions d'euros à partager entre les 28 membres, ce qui est tout à fait acceptable du point de vue des militaires. Mais l’Europe dépendrait alors d’une bulle de protection, presque totalement américaine, en altitude avec les SM3 fabriqués par Raytheon (basés à terre ou en mer) et à plus courte distance avec la défense dite de « théâtre » comme les « Patriots ».

Si les pays Européens disposent d’industriels capables de fabriquer ce type de système, l’état de leurs finances limite considérablement leur marge de manœuvre. La présidence française estime toutefois que des entreprises françaises comme l'équipementier Thales auront leur carte à jouer, au moins dans un premier temps dans les systèmes de détection d'alerte, même s'il faut encore chiffrer le coût d'une adaptation du système français à des batteries antimissiles américaines.

Associer les Russes

A Lisbonne, les responsables de l’Otan rappellent que la décision de l’Alliance prendra en compte les observations de l’ensemble des pays membres. La Turquie souhaite par exemple que ce système défensif ne soit pas associé à une arme ouvertement dirigée contre son voisin iranien.

Les Russes ont toujours fait preuve de beaucoup de méfiance vis-à-vis du bouclier que le Pentagone voulait installer en République tchèque et en Pologne. Des craintes à peine dissipées par les gestes de bonne volonté de l’administration Obama en matière de désarmement (traité Start nouveau).

Avant d’accepter de s’associer à ce nouveau projet, la Russie souhaite obtenir des garanties sur les zones où seront déployées ses missiles, et sur les performances des engins intercepteurs afin que le système ne puisse pas se retourner contre elle ! Des exigences qui auraient peu de chance d'être acceptées selon certains observateurs.

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