Angela Merkel défend une réforme critiquée des traités européens

La chancelière allemande a plaidé à nouveau, mercredi 27 octobre, lors d’une déclaration de politique générale devant le Bundestag, pour le compromis conclu la semaine dernière entre Paris et Berlin. Pour Angela Merkel, seule une modification des traités européens peut donner un cadre « juridiquement inattaquable » assurant, sur la durée, plus de stabilité et de discipline budgétaire.

« Un accord franco-allemand ne débouche pas forcément sur un succès. Mais sans lui, pas grand chose n’est possible en Europe ». Attaquée à l’extérieur comme dans son propre pays, Angela Merkel a défendu, avec force, devant le Parlement allemand, le compromis sur le renforcement du pacte de stabilité européen conclu la semaine dernière avec Nicolas Sarkozy à Deauville et fortement critiqué depuis.

La chancelière allemande a expliqué pourquoi elle tenait à une réforme des traités. « Un cadre nouveau et solide » est nécessaire pour elle, afin que la crise grecque du printemps ne se renouvelle pas.

Plusieurs raisons expliquent le souhait de l’Allemagne de voir les textes réformés. Le fonds de soutien financier, mis en place cette année dans l’urgence, a une durée de vie de trois ans. Au-delà, Berlin souhaite que sa pérennisation soit sanctionnée par les textes. Ces derniers interdisent actuellement à l’Union européenne de soutenir des pays en difficulté. Berlin craint de ce fait de se faire taper sur les doigts par sa Cour constitutionnelle très pointilleuse.

L’Allemagne particulièrement sollicitée

Autre raison plus prosaïque : un fonds sur le modèle actuel est alimenté par les Etats membres en fonction de leur poids économique. L’Allemagne est donc particulièrement sollicitée. D’où l’exigence que des mécanismes de sanctions en amont évitent de nouvelles crises en raison des déficits de certains pays laxistes. Berlin souhaite également qu’à l’avenir, les investisseurs privés soient aussi mis à contribution en acceptant une restructuration de leurs dettes et donc une réduction de la valeur de leurs portefeuilles. En clair, les contribuables seraient moins frappés financièrement. Une telle révision des textes doit aussi permettre l’adoption de sanctions politiques contre certains Etats aux déficits chroniques qui se verraient privés de leurs droits de vote au sein des instances européennes.

Mais une réforme des textes n’a rien d’une sinécure. Il a fallu des années pour que le traité de Lisbonne puisse enfin entrer en vigueur début 2010. La proposition franco-allemande est jugée par beaucoup peu réaliste. La vice-présidente de la Commission européenne, la Luxembourgeoise Viviane Reding a réitéré, ce mercredi 27 octobre 2010, sa position : « On n’a pas besoin de changer les traités pour modifier le pacte de stabilité. Ce serait irresponsable d’ouvrir cette boîte de Pandore ».

Minimiser les critiques

Berlin tente de minimiser ces critiques. Un haut responsable allemand estimait mardi qu’il ne s’agissait que de deux lignes, qu’une telle réforme pourrait être couplée avec le processus d’entrée dans l’Union européenne de la Croatie qui, de toute façon, nécessiterait une modification des textes. L’Allemagne plaide par ailleurs pour une réforme « light » qui ne nécessiterait pas de référendum dans certains pays comme l’Irlande, car les nouvelles dispositions n’impliquent pas une délégation de souveraineté des Etats membres à l’Union européenne.

Berlin souhaite que le sommet des 27 de cette fin de semaine donne mandat à un groupe de travail pour élaborer des propositions d’ici mars 2011. Ces dernières pourraient ensuite être ratifiées par les pays membres d’ici 2013.

Pour obtenir un tel accord, certaines sources diplomatiques européennes estiment qu’Angela Merkel pourrait renoncer à une autre exigence allemande, à savoir le retrait du droit de vote aux pays chroniquement déficitaires.

Le compromis entre la chancelière et le président français a suscité de nombreuses critiques dans la presse et la classe politique allemandes. Angela Merkel s’est vue reprocher d’avoir renoncé à Deauville à son exigence antérieure : la mise en place de sanctions automatiques contre les Etats ne respectant pas les critères du pacte de stabilité européen. Dans un pays où l’orthodoxie budgétaire est érigée en dogme, la volte-face de la chancelière a été perçue comme une trahison. Des membres de sa coalition ont même exprimé leurs états d’âme, à commencer par le chef de la diplomatie allemande, le libéral Guido Westerwelle.

Autre critique qui a achevé de mettre Angela Merkel sur la défensive : le reproche - une fois de plus - émis à l’égard d’un directoire franco-allemand dont les compromis seraient ensuite soumis à une approbation purement formelle des autres membres de l’Union européenne.

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