Un Izetbegovic fait son retour à la tête de la Bosnie-Herzégovine. Bakir, le fils d’Alija Izetbegovic, le premier président de la Bosnie indépendante, qui dirigea le pays durant la guerre, a été élu membre bosniaque de la présidence collégiale du pays. Il portait les couleurs du Parti de l’action démocratique (SDA), la formation nationaliste bosniaque créée par son père.
Bekir Izetbegovic avait échoué à prendre le contrôle du SDA, l’an dernier, face au « réformateur » Sulejman Tihic, qui est d’ailleurs apparenté à la famille Izetbegovic. Il avait néanmoins été choisi pour porter les couleurs du parti à la présidence. Considéré comme un tenant de l’aile « traditionnelle » du SDA, Bakir Izetbegovic a cependant tenu tout au long de la campagne, comme au soir de son élection, un discours de conciliation, appelant au dialogue avec les autres communautés nationales du pays.
La présidence collégiale compte trois membres, un Bosniaque musulman, un Serbe et un Croate, qui dirigent à tour de rôle le pays pour des périodes de huit mois. Sans surprise, Nebojsa Radmanovic, le membre serbe sortant a été réélu. Il est issu de l’Alliance des sociaux-démocrates indépendants (SNSD), le parti de Milorad Dodik, le « patron » tout-puissant de la Republika Srpska, « l’entité » serbe du pays.
Une course ouverte seulement pour le membre bosniaque
De même, Zeljko Komsic a été réélu comme membre croate de la présidence. Ce cadre du Parti social-démocrate (SDP), ouvertement favorable à une Bosnie réunifiée, a récolté un score sans appel de plus de 60% des voix, mais il a bénéficié des voix de nombreux Bosniaques, qui effectuent ce choix « tactique » pour permettre l’élection d’un social-démocrate à la présidence, au grand dam des partis nationalistes croates.
En réalité, la course n’était vraiment ouverte que pour le membre bosniaque, et Bakir Izetbegovic n’a dépassé que de peu l’homme d’affaires Fahrudin Radoncic et le membre sortant de la présidence, Haris Silajdzic. « Je suis atterré de devoir le dire, mais je crois que Bakir Izetbegovic représente la moins mauvaise option possible », expliquait au soir du dimanche 3 octobre, Srdjan Dizdarevic, tête de liste du parti citoyen Nasa Stranka. « L’élection de Haris Silajdzic aurait signifié quatre nouvelles années de blocage total, tandis que Fahrudin Radoncic est un nationaliste musulman fascisant ».
Les nationalistes serbes campent sur leurs bastions
Nasa Stranka se présentait en coalition avec le Nouveau parti socialiste (NSP), une formation de Republika Srpska, ce qui représentait une première absolue dans l’histoire politique récente de la Bosnie-Herzégovine. Selon les résultats encore très partiels disponibles dans la matinée de lundi, cette coalition échouerait à pénétrer dans les différents Parlements du pays.
Alors que le SNSD de Milorad Dodik confirme sa mainmise sur la Republika Srpska, malgré un relatif affaiblissement par rapport aux élections de 2006, les nationalistes croates campent sur leurs petits bastions, principalement les cantons du sud du pays. Dans le camp bosniaque, le SDP annonce une victoire « historique » et ferait jeu égal avec le SDA dans les différents Parlements.
Cependant, le grand jeu des tractations et des négociations devrait, comme à l’accoutumée, réserver son lot de surprises. Dans ces conditions, il sera encore bien difficile à la Bosnie de s’engager dans la voie des indispensables réformes et de l’intégration européenne.