Bosnie: Fahrudin Radončić, le «Berlusconi bosniaque»

Propriétaire du principal groupe de presse de Bosnie-Herzégovine, Fahrudin Radončić va-t-il créer la surprise aux élections du 3 octobre ? Il fait figure de candidat sérieux à la présidence collégiale du pays, et jouit du soutien ouvert de la puissante Communauté islamique.

Originaire de Plav, au Monténégro, Fahrudin Radončić s’est installé en 1991 à Sarajevo. Selon sa biographie officielle, il a participé aux combats pour la défense de la ville, puis il a créé un hebdomadaire en octobre 1993, Bošnjački Avaz, qui devient quotidien en 1995, à la fin de la guerre, sous le nom de Dnevni Avaz. Depuis, il a lancé une dizaine de titres de journaux, notamment les magazines Global, Azra et Sport, ainsi que la télévision Alfa. Par ailleurs, son groupe a développé d’importantes activités dans le secteur du bâtiment et de la construction.

Jusqu’à présent, Dnevni Avaz, journal le plus lu de Bosnie-Herzégovine, avait toujours apporté un soutien sans faille au SDA, le parti dominant au sein de la Communauté musulmane bosniaque, tandis que son Fahrudin Radončić est l’un des principaux contributeur financier de la communauté islamique du pays.

La décision de Fahrudin Radončić d’entrer directement en politique pourrait être une conséquence de la guerre des clans au sein du SDA. Fahrudin Radončić est lié à Bakir Izetbegović. Le fils de feu Alija Izetbegović, le premier président de la Bosnie indépendante, avait échoué il y a deux ans à prendre le contrôle du parti, dont il est cependant le candidat officiel à la présidence. Bakir Izetbegović et Fahrudin Radončić, qui ont évité toute attaque personnelle durant la campagne, partagent une même animosité pour le président du SDA, le « modéré » Sulejman Tihić.

Lors des élections de 2006, la puissante Communauté islamique avait apporté un soutien sans faille au Parti pour la Bosnie-Herzégovine de Haris Silajdžić, qui avait été élu à la présidence. Cette fois-ci, elle est très divisée : la Faculté de théologie de Sarajevo resterait proche de Haris Silajdžić, tandis que nombre d’imams et de muftis seraient revenus dans le giron du SDA. Pour sa part, le reisu-l-ulema Mustafa Cerić soutient Fahrudin Radončić. Ces dernières semaines, les colonnes de Dnevni Avaz ne désemplissent d’articles à la gloire des deux grands hommes que sont le chef de la Communauté islamique et le propriétaire du journal...

Selon les derniers sondages, la bataille est très ouverte pour le poste de membre bosniaque de la présidence collégiale : Haris Silajdžić, membre sortant, Bakir Izetbegović et Fahrudin Radončić feraient pratiquement jeu égal, sachant que l’élection n’a qu’un tour et que le candidat qui obtient le plus grand nombre de voix est élu.

Même si Fahrudin Radončić échoue dans cette bataille, son parti est assuré de placer plusieurs élus à la Chambre basse du Parlement de l’État, tout comme au Parlement de la Fédération croato-bosniaque et dans les assemblées cantonales. Alors que le groupe Avaz aurait de lourdes dettes, le soutien d’un groupe parlementaire pourrait être précieux pour éviter à son patron quelques ennuis avec la justice.

Dans beaucoup de villes, les cadres du nouveau parti de Fahrudin Radončić sont des hommes d’affaires autrefois liés au SDA, qui connaîtraient aujourd’hui des difficultés financières. Du coup, à Tuzla, les détracteurs de Fahrudin Radončić ont rebaptisé son parti, l’Alliance pour un meilleur avenir (Savez za Bolju Budućnost, SBB), en « Alliance des Bosniaques en Banqueroute »...

Fahrudin Radončić revendique ouvertement Silvio Berlusconi comme modèle, et son entrée en politique pourrait avoir bien des points communs avec le parcours du cavaliere italien. Une campagne électorale dynamique et le soutien de son groupe de presse donnent à ce « nouveau venu » sur la scène politique des chances réelles de l’emporter, même si son programme politique demeure encore bien imprécis.

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