Au soir du 27 septembre 2009, Angela Merkel pouvait enfin envisager de gouverner avec ses alliés naturels, les libéraux, emmenés par Guido Westerwelle devenu depuis vice-chancelier et ministre des Affaires étrangères. Quatre ans auparavant, les deux partis n’avaient pas obtenu ensemble de majorité. Les chrétiens-démocrates (CDU) de la nouvelle chancelière avait dû former une grande coalition avec les sociaux-démocrates (SPD).
La victoire, il y a un an, avait avant tout été acquise grâce au score historiquement haut des libéraux –près de 15%- alors que la CDU s’effritait encore un peu plus. Mais les nouveaux partenaires qui ont gouverné l’Allemagne sous l’égide d’Helmut Kohl durant seize ans de 1982 à 1998 ne peuvent produire un an plus tard qu’un bilan plus que mitigé.
Une situation qui s’explique tout d’abord par les dissenssions permanentes au sein de la nouvelle coalition. Deux composantes ont donné beaucoup de fil à retordre à Angela Merkel. D’un côté les libéraux qui, forts de leur succès électoral, voulaient traduire leurs promesses dans les faits, notamment par des baisses d’impôts. Des prétentions qui se sont heurtées à la dégradation des comptes publics avec la crise économique. De l’autre, les chrétiens-sociaux bavarois bataillant bec et ongles contre les prétentions des libéraux et défendant l’Etat social comme par exemple sur le dossier sensible de la réforme du système de santé.
Ces bisbilles incessantes ont nui à la popularité d’Angela Merkel. Durant la grande coalition entre deux partenaires d’un poids équivalent, la chancelière pouvait se permettre d’adopter un style présidentiel au-dessus de la mêlée. Le virage à gauche de la CDU avait permis une cohabitation plutôt harmonieuse entre droite et gauche. Depuis un an en revanche, Angela Merkel a longtemps assisté sans mot dire aux chamailleries de ses troupes. Ce n’est que récemment en rentrant de ses vacances d’été que la chancelière a décidé de changer son style et de taper plus que d’ordinaire du poing sur la table, un rôle qu’elle n’apprécie guère.
L’autre explication de cet anniversaire morose réside dans un bilan médiocre. Les décisions concrètes du nouveau gouvernement ont été modestes dans les premiers mois. La coalition au pouvoir ne voulait pas heurter ses électeurs par des mesures impopulaires avant une élection régionale stratégique en mai. Mais cette inactivité n’a pas porté ses fruits. La Rhénanie du Nord Westphalie, le plus grand Land allemand avec 16 millions d’habitants, a été repris par la gauche. Le gouvernement a perdu de ce fait sa majorité à la Chambre haute, le Bundesrat, représentant les régions ce qui rend l’adoption de certaines réformes dorénavant plus difficile.
Annus horribilis
Cette « annus horribilis » comme l’a qualifiée l’hebdomadaire Die Zeit s’achève par une forte impopularité du gouvernement. La chancelière Merkel en a été la première victime, elle qui dans les années précédentes avait su rester au-dessus de la mêlée. Son parti a reculé dans les intentions de vote et est crédité d’un peu plus de 30% des voix, un niveau historiquement bas. Mais c’est surtout le Parti libéral qui est brutalement sanctionné. Les sondeurs ne lui accordent plus qu’un tiers de son score d’il y a un an, soit 5% aujourd’hui. Son leader, Guido Westerwelle, est aussi la victime de ce mésamour populaire. Jamais un ministre des Affaires étrangères n’a été aussi peu apprécié en Allemagne alors que la fonction accorde d’ordinaire à son titulaire un confortable bonus.
Un an après, la coalition au pouvoir veut mieux faire. Dans les derniers mois, l’expression de « nouveau départ » a souvent été évoquée sans grand effet. Cette fois, l’image chaotique livrée par le gouvernement doit s’améliorer. Angela Merkel parle de « l’automne des décisions ». Il est vrai que les réformes ont jusqu’à présent été minces. Depuis la rentrée, les dossiers de poids sont en revanche nombreux. Et chrétiens-démocrates et libéraux veulent désormais prouver qu’ils peuvent se mettre d’accord rapidement, sans petites phrases assassines et sur des solutions qui tiennent la route. Un premier accord a été trouvé sur la réforme du système de santé menacé par des déficits. Ce week-end, une augmentation a minima de l’aide sociale a été adoptée en quelques heures après un jugement du tribunal constitutionnel qui réclamait une réforme. Celle de l’armée, avec une sensible réduction des effectifs et sa transformation en une force mieux adaptée à des interventions sur des théâtres extérieurs, figure encore à l’ordre du jour. Une vache sacrée devrait être sacrifiée, la conscription. Pour ne pas heurter ses tenants, le service militaire sera en théorie « suspendu ».
La réforme la plus sensible pour l’Allemand moyen est sans nul doute la prolongation de l’utilisation des centrales nucléaires. Leur fermeture et l’abandon de cette source d’énergie avaient été décidées il y a dix ans par une majorité de gauche. Le gouvernement actuel sait que ce sujet très idéologique peut encore mobiliser comme on l’a vu il y a dix jours lors d’une grande manifestation à Berlin. Les anti-nucléaires ne manquent pas d’exploiter le dossier ce dont l’opposition de gauche compte bien profiter.
Les premiers bénéficiaires sont avant tout les Verts qui battent des records historiques de popularité. Un sondage, la semaine dernière, les mettait même à égalité avec les sociaux-démocrates, une petite révolution. Mais ces instantanés de l’opinion peuvent encore évoluer.
Le gouvernement aujourd’hui impopulaire doit certes craindre une série de scrutins régionaux l’année prochaine. Mais il lui reste encore trois ans avant les prochaines élections générales. Il peut espérer que la situation économique (et financière) de l’Allemagne qui se redresse spectaculairement après sa plus grave récession de l’après-guerre finira par convaincre les électeurs faisant oublier le mauvais départ de la coalition conservatrice.