Déchéance de nationalité : état des lieux et évolutions en France et en Europe

Le gouvernement français s’apprête à faire modifier la législation, pour élargir les conditions de déchéance de nationalité. Deux amendements en ce sens seront ajoutés au projet de loi sur l’immigration présenté fin septembre à l’Assemblée nationale, a annoncé ce mardi 3 août 2010 le ministre de l’Immigration Eric Besson. Chaque pays européen possède son propre arsenal juridique en la matière, mais le champ d’application évoqué par le ministre français de l’Intérieur, Brice Hortefeux, serait le plus étendu en Europe.

Priver de nationalité française les coupables d’excision, de traite d’êtres humains ou d’« actes de délinquance grave », c’est la volonté affichée par Brice Hortefeux. Le président Nicolas Sarkozy avait manifesté auparavant son intention de faire modifier la législation afin que la nationalité française puisse être retirée à toute personne d’origine étrangère qui aurait « volontairement porté atteinte » à la vie d’un policier, d’un gendarme, ou de toute autre « dépositaire de l’autorité publique ».

Eric Besson pense, quant à lui, qu’il suffirait de rétablir la législation d’avant 1998. Elle permettait de déchoir de leur nationalité française les personnes ayant écopé d’une peine de plus de cinq ans de prison, dans les dix ans suivant l’acquisition de la nationalité. Ce serait, toutefois, un retour en arrière par rapport à la convention de 1997 du Conseil de l’Europe, que la France a bien signée, bien qu’elle ne l’ait pas ratifiée. Un texte qui prévoit que « chaque Etat partie doit être guidé par le principe de la non-discrimination entre ses ressortissants, qu'ils soient ressortissants à la naissance ou aient acquis leur nationalité ultérieurement ».

Les nouvelles lois s’appliqueront uniquement aux doubles nationaux

Depuis 1998, la loi interdit de créer des apatrides et, à moins de revenir sur ce principe ce qui pourrait choquer au-delà des frontières de la France, les nouvelles lois s’appliqueront uniquement aux doubles nationaux. Ailleurs en Europe, on notera que la trahison, l’atteinte à la sûreté de l’Etat, la résidence permanente à l’étranger, le fait de faire le service militaire à l’étranger ou de servir comme fonctionnaire dans un autre pays sont les motifs les plus répandus de retrait de la nationalité. En Allemagne, la double nationalité est interdite sauf accord spécifique avec d’autres Etats. Pas moins de 50 000 nouveaux Allemands se sont vus retirer leur nationalité pour avoir enfreint cette règle.

La déchéance de nationalité concerne des personnes condamnées pour terrorisme

C’est au Royaume-Uni qu’on retrouve le cas le plus récent de retrait de nationalité. Au mois de juillet, l’espionne russe Anna Chapman a été déchue de sa nationalité britannique, après avoir été expulsée des Etats-Unis. En 2003, Londres avait retiré le passeport britannique à l’imam radical Abu Hamza al Masri qui purge actuellement une peine de prison pour incitation au terrorisme et meurtre. En Belgique, le retrait de nationalité concerne également des personnes condamnées pour terrorisme. C’est le cas de Mohamed R’ha, d’origine marocaine, un ex-détenu sur la base américaine de Guantanamo.

Aux Pays-Bas, la loi sur la nationalité a été récemment modifiée. Le nouveau texte de loi redéfinit le retrait de la citoyenneté pour les personnes condamnées pour avoir nui gravement aux intérêts essentiel de l’Etat. Le gouvernement explique qu’il s’agit de crimes punis d’au moins huit ans d’emprisonnement. D’une manière générale, le débat reste vif aux Pays Bas, où Geert Wilders, le chef de l’extrême droite, réclame le retrait de la nationalité néerlandaise aux « criminels » musulmans.

Partager :