Duel Kaczynski-Komorowski : vers un 2e tour passionné

Le deuxième tour de l’élection présidentielle en Pologne se jouera le 4 juillet prochain, comme prévu, entre Bronislaw Komorowski, candidat du parti de centre-droit libéral au pouvoir Plateforme civique (PO), et Jaroslaw Kaczynski, président de Droit et Justice (PiS), formation de droite conservatrice et nationaliste. La confrontation risque d’être dure, et son issue incertaine.

Les résultats du premier tour étant beaucoup plus serrés que prévu – environ cinq points seulement séparent les deux candidats – le deuxième s’annonce passionné et passionnant. Pour au moins trois raisons.

Le grand-père de la Wehrmacht

D’abord, la campagne, jusqu’à présent assez timorée à cause du souvenir de la catastrophe de Smolensk et des inondations exceptionnelles qui ont frappé le pays, risque de devenir très vive, voire agressive, à l’approche du combat décisif. Juste après l’accident de l’avion présidentiel, les hommes politiques des tous bords juraient que, face à la tragédie et au deuil national, leur affrontement électoral allait être exemplaire : calme, élégant, sans injures, attaques personnelles et coups bas, concentré sur le fond des problèmes et inspiré uniquement par le bien commun. On peut dire qu’ils ont tenu leurs promesses à environ 75%, ce qui est déjà pas mal si l’on compare cette campagne avec les précédentes.

Toutefois, on sentait bien dans la dernière dizaine des jours de la campagne du premier tour qu’ils commençaient à éprouver quelques difficultés à cultiver leur exemplarité. Lors de la lutte finale du deuxième tour, les verrous risquent de sauter. Selon les fuites relayées par plusieurs médias, le camp de Jaroslaw Kaczynski s’apprêterait à publier « des nouveaux faits » sur son rival. Ce qui laisse craindre le pire, si l’on songe aux précédents exploits du PiS dans le domaine. Quand, il y a cinq ans, Donald Tusk briguait la présidence, les lieutenants de son rival de l’époque, Lech Kaczynski, ont sorti une énormité : le grand-père de Tusk aurait servi dans la Wehrmacht, ce qui expliquerait, selon eux, une docilité suspecte de Donald Tusk à l’égard des Allemands en général et d’Angela Merkel en particulier. Le temps que l’état-major de la PO épluche les archives et trouve les preuves que le grand-père en question a bien passé par la Wehrmacht, mais incorporé de force, le mal a été fait. Avec un écart de seulement cinq points au premier tour en faveur de Tusk, il a suffi qu’une petite partie de l’électorat commence à douter de son honnêteté et de son patriotisme pour que Lech Kaczynski s’approche de la victoire. Situation qui rappelle celle de Bronislaw Komorowski aujourd’hui, en lutte contre le frère jumeau de Lech.

Faiseur de rois

Ensuite, les deux candidats de droite sont obligés d’essayer de séduire les électeurs de gauche. En effet, le candidat de l’Alliance de la gauche démocratique (SLD), Grzegorz Napieralski, a obtenu plus de 13% des voix et apparaît comme un véritable faiseur de rois. Son électorat penche naturellement plutôt vers Bronislaw Komorowski, qui incarne l’ouverture, la modernité et l’orientation pro-européenne. Selon un sondage effectué dimanche soir, 66% des électeurs ayant voté pour le candidat de la gauche sont prêts à voter Komorowski au deuxième tour. Mais Grzegorz Napieralski a l’intention de vendre son soutien aussi cher que possible. Il ne cache pas ses conditions. Garantie d’adoption de la Charte des droits fondamentaux (rejetée par PiS par crainte de donner trop de droits aux homosexuels ; rejet accepté par PO en échange de la signature de Lech Kaczynski sous le Traité de Lisbonne) par la future administration. Introduction de la parité hommes/femmes dans différentes élections. Et, si la situation internationale le permet, retrait rapide des forces polonaises d’Afghanistan.

Les spécialistes pensent qu’il est inimaginable que Napieralski appelle à voter pour Kaczynski, qui, il y a encore quelques années, réclamait l’interdiction pure et simple de la SLD. Toutefois, 33% du corps électoral de gauche est disposé à voter ainsi, probablement séduit par le volet social du programme du PiS. Et puis, la SLD et le PiS ont déjà noué une alliance discrète mais efficace contre la PO, pour se partager le pouvoir au sein de la radio et télévision publique. Ainsi, bien qu’un report des voix de la gauche sur Komorowski soit plus probable, rien n’est sûr et rien n’est joué d’avance.

Electeurs en vacances

Enfin, le deuxième tour est programmé pour le 4 juillet. Date inconfortable pour les libéraux, dont l’électorat est plus aisé et part plus massivement en vacances que celui de Jaroslaw Kaczynski, habitant majoritairement les régions les plus pauvres de la Pologne. Ceux qui ont déjà payé leurs séjours à l’étranger, ne vont pas les annuler juste pour pouvoir voter.

Bref, tout peut arriver. Même un nouveau président Kaczynski.
 

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