Pologne : après le deuil, le vote pour choisir un nouveau président

Deux mois après la mort du président Lech Kaczynski dans un accident d’avion, les Polonais se rendent aux urnes ce dimanche 20 juin 2010 pour élire un nouveau  président. Parmi les candidats de ce premier tour, Jaroslaw, frère jumeau de Lech Kaczynski. Les sondages donnent le libéral Bronislaw Komorowski largement favori.

Une dizaine des candidats sont en lice pour ce premier tour du dimanche 20 juin 2010. Si aucun ne dépasse le seuil de 50% des voix, un deuxième tour sera organisé le 4 juillet.

Depuis le début de la campagne, les représentants des deux principales forces politiques du pays devancent très largement tous leurs rivaux. Il s’agit de Bronislaw Komorowski, désigné par le parti du centre-droit libéral au pouvoir Plateforme civique (PO) et de Jaroslaw Kaczynski, président du parti conservateur, nationaliste et un brin populiste, Droit et Justice (PiS). Le premier est crédité de 40-50% des voix, ce qui pourrait même, avec un peu de chance, lui permettre de gagner au premier tour. Le deuxième bénéficie du soutien de 25-35% des participants aux sondages.

Le phénomène Napieralski

Tous les autres candidats se situent en dessous de 3% des intentions de vote. A une notable exception près, quand même : Grzegorz Napieralski, candidat de l’Alliance de la gauche démocratique (SLD), qui a remplacé dans ce rôle, fin avril, au pied levé, Jerzy Szmajdzinski, candidat désigné par le parti, mais tué dans le même accident que Lech Kaczynski. Promis, selon les spécialistes, à un échec cuisant et à une probable disparition de la scène politique juste après l’élection, le jeune leader de la SLD est progressivement devenu l’un des phénomènes les plus marquants de la campagne. A force d’un travail acharné et patient sur le terrain, entouré de sa famille et capable de se présenter à 5 heures du matin devant une usine pour y distribuer des pommes, il a grimpé de 2% d’intentions de vote au début de la campagne à 12% à la veille du scrutin. Un score à deux chiffres pour la gauche polonaise dans une élection nationale ? Même au sein de la SLD elle-même, rares sont ceux qui osaient l’espérer dans un paysage politique très défavorable, où la droite libérale et conservatrice règnent sans partage depuis des années.

Vu l’étonnante dynamique dans laquelle s’est installé Grzegorz Napieralski, il est le seul capable de créer une surprise le 20 juin. Toutefois, celle-ci pourrait plutôt concerner le nombre de votes obtenus que consister à devancer Jaroslaw Kaczynski et à passer au deuxième tour. Même avec sa forte dynamique, il sera sans doute très difficile au président de la SLD de rattraper en seulement deux jours une bonne vingtaine, voire une trentaine des points qui le séparent de son homologue du PiS.

La campagne s’est achevée vendredi 18 juin à minuit et aucune opération électorale ne peut plus être menée à partir de cette date.

Un jeu à deux

Ainsi, il est pratiquement certain que tout se jouera entre Bronislaw Komorowski et Jaroslaw Kaczynski. Les deux ont démarré leurs campagnes tard et dans une situation personnelle peu enviable.

Le 10 avril dernier, Komorowski était déjà président de la Diète et candidat déclaré de la Plateforme civique à la présidentielle. Mais au moment de la catastrophe de Smolensk il est subitement devenu non seulement le seul parmi les trois principaux candidats restant encore en vie, mais aussi celui qui, selon la Constitution, prend la place de son rival défunt en tant que chef de l’Etat par intérim. Il est déjà suffisamment difficile d’exercer les trois fonctions à la fois - être à la tête du Parlement, être candidat à la présidence et en même temps président par intérim – mais, en plus, une telle configuration expose à des attaques faciles de l’opposition.

En effet, que Komorowski prenne des décisions en évoquant ses prérogatives constitutionnelles ou qu’il s’en abstienne par respect pour son défunt prédécesseur, il sera toujours accusé de mal remplir ses nouvelles fonctions et de ne pas avoir la carrure d’un président. Toutefois, il faut dire que, sauf quelques gaffes, il s’en est finalement plutôt bien sorti et n’a rien fait qui pourrait mettre vraiment en cause sa position dominante dans la course.

Un jumeau abandonné

La situation de Jaroslaw Kaczynski après la catastrophe de Smolensk était encore plus dramatique. Il a perdu son frère jumeau, sa belle-sœur, une noria d’amis personnels et soutiens politiques, en restant subitement tout seul au chevet de sa mère très malade, agonisante, à laquelle il n’a même pas osé parler de la mort de Lech. Toujours décrit comme un « dur », ferme, résistant et autoritaire, il n’a pas déçu les attentes de ses admirateurs et a quand même réussi à reprendre le parti en main et à organiser une campagne électorale, rapide et difficile. Celle-ci exigeait toutefois qu’il joue l’équilibriste et qu’il change radicalement son image. L’ambiance de deuil national – et plus tard, les énormes inondations qui envahissent le pays depuis un mois – excluaient un retour aux querelles et provocations incessantes, son environnement naturel. Du coup, Kaczynski a retiré tous les radicaux de son entourage et entrepris une mission presque impossible : se présenter en champion de l’entente, du compromis, de la main tendue. C’était la seule chance d’élargir son électorat, très fidèle et très stable – toujours entre 25 et 35% - mais insuffisant pour gagner une présidentielle.

Le problème de Jaroslaw Kaczynski, c’est qu’il a en même temps un très fort et également très stable électorat dit « négatif » : tous ceux qui, agacés par son ancienne agressivité et son incapacité à diriger le pays, prouvée lors de son passage de deux ans à la tête du gouvernement, sont déterminés à voter pour « tout sauf Kaczynski ». Ceux-ci ont vraiment du mal à croire que son prétendu changement ne soit pas juste un effet de circonstance. Se laisseront-ils finalement convaincre ? Réponse le 20 juin dans la soirée.

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