Si l’avenir de la Belgique ne dépendait que de la N-VA, le pays deviendrait d’abord un Etat confédéral, avec l’essentiel des pouvoirs transférés du niveau de l’Etat à celui des régions. L’étape suivante serait la disparition pure et simple de la Belgique.
Le temps presse
Cependant, pour l’instant, la Belgique existe toujours et les principales forces politiques doivent trouver une solution pour la faire vivre décemment et tranquillement. Si possible, trouver rapidement, car le temps presse. En effet, se mettre à exercer la présidence tournante de l’Union européenne dans un peu plus de deux semaines sans un nouveau gouvernement stable serait techniquement possible, mais signifierait pour la Belgique une catastrophe en termes d’image.
En outre, une éventuelle instabilité politique prolongée pourrait vite se transformer en instabilité économique. Selon les spécialistes cités par l’agence Reuters, « à court terme, le pays dispose de nombreux atouts pour faire face à la situation, mais les investisseurs pourraient commencer à devenir plus nerveux à partir de septembre si aucun gouvernement n’est en place ». D’autant plus nerveux qu’ils se souviennent encore des élections de 2007, suivies par neuf mois (!) d’attente de la désignation d’un nouveau Premier ministre. Il est très peu probable qu’ils veuillent renouveler l’expérience. Pas plus d’ailleurs que celle des démissions à répétition du même Premier ministre.
La N-VA en première ligne
La N-VA se retrouve donc en première ligne pour gérer la situation en essayant de former un nouveau gouvernement fédéral, ou alors en devenant un pilier de l’opposition. Ceci dit, il paraît difficile d’imaginer le charismatique leader des indépendantistes flamands Bart De Wever se contenter de cette deuxième solution et ne pas tenter de rentabiliser politiquement son succès aux urnes en prenant activement part à une coalition gouvernementale.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le partenaire le plus probable d’une telle coalition semble le Parti socialiste wallon, qui obtient le meilleur score dans la partie majoritairement francophone de la Belgique. Bart De Wever pourrait l’encourager à coopérer en cédant le poste de Premier ministre à son leader, Elio Di Rupo. Celui-ci pourrait ainsi devenir le premier chef du gouvernement belge francophone depuis trente-six ans.
Pourtant, les élections anticipées, conçues comme moyen de résoudre la crise politique, risquent plutôt de l’aggraver. Le succès de la N-VA contribuera sans doute à creuser davantage le fossé entre les Flamands et les Wallons. La formation d’une coalition gouvernementale viable et crédible peut donc s’avérer très difficile.
Trois scénarios
En pratique, trois scénarios semblent désormais envisageables pour la Belgique, dans l’ordre décroissant de probabilité :
─ Compromis entre Flamands et Wallons sur une décentralisation accrue de l’Etat belge, avec des transferts de ses compétences vers les régions et le glissement progressif vers un modèle confédéral.
─ Eclatement sous la pression de radicaux flamands. Difficile à mettre en œuvre, surtout à court terme. En effet, comment diviser la sécurité sociale, le système des retraites, l’armée et la dette belge ? Et si la Belgique se divisait en deux nouveaux Etats, que faudrait-il faire avec Bruxelles qui constitue actuellement une région à part, de surcroît siège des principales institutions de l’Union européenne et de l’Alliance atlantique ? Un troisième nouvel Etat ? Une ville libre ? Un espace extraterritorial ?
─ Rien ne change. Un gouvernement de coalition est formé dans l’ancien cadre institutionnel. Hypothèse peu plausible, dans la mesure où le signal politique envoyé par l’électorat flamand a été trop fort pour pouvoir l’ignorer sans risquer de grosses tensions.
Aux hommes politiques belges maintenant de prouver leur maturité et responsabilité politique en trouvant une solution viable, juste, raisonnable, efficace et durable.