À la Une: droit du travail, les ordonnances du docteur Macron

Le Midi libre récapitule : « Des patrons qui applaudissent, des syndicats hostiles ou partagés, l’opposition de gauche qui vocifère, le Front national qui fustige, la droite classique plutôt discrète […] les ordonnances […] chamboulent les neurones. [...] À l’évidence, condense Le Midi libre, sur le ring de la réforme, le gouvernement enregistre plutôt une victoire aux points. »

Victoire aux points ? Comme le remarque Le Courrier picard, le Premier ministre Édouard Philippe et sa ministre du Travail Muriel Pénicaud ont manœuvré en évitant « l’iceberg » qu’aurait constitué un front syndical uni pour s’opposer à cette réforme.

C’est aussi et surtout la patte d’Emmanuel Macron que la presse évoque ce matin. Le président qui s’en est pour l’instant mieux tiré que le capitaine du Titanic inspire au journal Nice matin un oxymore hardi pour qualifier le texte des ordonnances, qu’il trouve « prudemment audacieux » ! Paraphrasant une formule désormais estampillée Emmanuel Macron, il le juge très « en même temps ».

Qu’en pensent les Français ? Sans attendre la publication des ordonnances, Le Figaro les avait interrogés, au moyen d’un sondage Odoxa publié ce matin par ce quotidien conservateur. Résultat, sept Français sur dix soutiennent « l’élargissement du CDI de projet à d’autres secteurs que celui du bâtiment » et « la possibilité pour les petites entreprises de conclure un accord d’entreprise avec un représentant du personnel en dehors des syndicats ».

57 % des personnes interrogées sont en revanche défavorables au « plafonnement des dommages et intérêts obtenus aux prud’hommes », 42 % s’y déclarant favorables, rapporte encore Le Figaro.

Droit du travail : vive la réforme !

Ultra-sensible, le sujet est également complexe. Et les avis de la presse s’en ressentent. S’il y a bien les « en même temps », autrement dit les « ne savent pas », en tout cas pas encore, il y a aussi les « pour », les « contre », et ceux-là sont sans surprise.

Les Échos est du côté des « pour » dans les kiosques ce matin. C’est une réforme « majeure », estime le quotidien économique français, une « rénovation profonde, sans précédent, du droit du travail ». Tout à son enthousiasme, ce journal, en orfèvre, se réjouit que le « balancier » revienne « dans le camp de l’entreprise » et que la France « jette aux orties son Code anti-travail », rien que ça !

Le journal L’Opinion n’écrit pas autre chose, qui voit dans cette réforme un « big-bang social ». Probablement faut-il « remonter à l’an 2000 - les 35 heures - et même à 1981 - le choc social des 39 heures, de la cinquième semaine de congés payés et des lois Auroux - pour voir un tel chamboulement du cadre social en France », s’enthousiasme ce quotidien, qui se délecte de cette « sorte de contrat de confiance » entre entreprises et salariés.

Bien que plus discrètement, le journal La Croix applaudit aussi cette réforme, car elle apporte, estime le quotidien catholique, « plus de souplesse et de dynamisme du tissu économique, au bénéfice de la création d’activités économiques et d’opportunités d’emplois ».

Dans La Croix, le directeur de l’Institut supérieur du travail Bernard Vivier estime en orfèvre qu’avec cette réforme, « nous sommes en plein dans la “flexisécurité” prônée par Emmanuel Macron, même si les ordonnances semblent donner un peu plus de “flexibilité” que de “sécurité”, et il trouve que cette réforme vise à faire mûrir “l’esprit de négociation” dans les entreprises en France. »

Droit du travail : à bas la réforme !

À l’inverse, sans surprise, la presse proche de la gauche se récrie, voire fulmine. « Le champagne a dû couler à flots, jeudi soir, au 55, avenue Bosquet à Paris, au siège du Medef », grince ainsi Libération, qui fustige une loi « taille patrons ».

Car, selon ce journal, les ordonnances ouvrent la possibilité de renégocier salaires, temps de travail ou avantages sociaux « en dehors de toute interférence syndicale ». Et ce journal souligne qu’à son avis, cette disposition « nous ramène quelques décennies en arrière et satisfait la fraction du patronat la plus allergique aux syndicats ».

Libération prévient aussi que cette réforme va « faciliter les délocalisations en réduisant le périmètre d’appréciation des difficultés d’une entreprise au seul territoire national ». Voilà pourquoi, selon ce quotidien, « le Medef triomphe », et à sa Une, le président de la République serre la main du président du patronat Pierre Gattaz, qui lui lance un « merci Macron » sans équivoque.

Plus virulent encore, L’Humanité estime que le Code du travail est « en lambeaux ». Le quotidien communiste dénonce la poursuite de ce qu’il appelle la « politique de casse » du droit du travail en France « en cédant aux vieilles revendications patronales ». Le quotidien déplore que la ministre du Travail fasse « table rase des fondements de plus d’un siècle d’histoire sociale ».

Cette colère, jusqu’où ? Pour Le Journal de la Haute-Marne, il ne fait guère de doute que cette réforme « ne laisse pas entrevoir la journée des barricades ». Et pourtant, insiste La Nouvelle République du Centre-Ouest, « quoiqu’en dise le gouvernement, la réforme du Code du travail penche plus vers le libéral que vers le social. Si les mesures facilitant les licenciements sont particulièrement visibles, celles protégeant les droits des salariés le sont beaucoup moins, estime ce quotidien du mitan français. L’équilibre de la réforme vanté par le gouvernement ne paraît donc pas parfaitement respecté. »

Foot: horizon bleu

Plus enthousiastes, en revanche, sont les commentaires sportifs dans la presse ce matin, après la victoire, hier soir, des footballeurs français : 4-0 contre les Pays-Bas. Ce fut une « soirée de rêve », savoure Le Parisien. Un « triomphe », enchérit L’Équipe, mais aussi un « pas important » vers la qualification, souligne le quotidien sportif français, pour le Coupe du monde en Russie. « Le temps est revenu au bleu. »

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