L'avionneur européen demande de toute urgence aux sept pays membres de l'OTAN clients de l'A400M la tenue d'une réunion ministérielle pour les alerter des dangers que ce programme, devenu cauchemardesque, fait courir au groupe. Des clients avertis, puisque Airbus est incapable de leur livrer les appareils dans les temps impartis, d'où les pénalités qui plombent les comptes du champion aéronautique. Airbus a annoncé, il y a quelques jours, une provision imprévue de 2,2 milliards d'euros pour faire face au nouveau dépassement de coût causé par l'avion militaire, mais cela apparemment ne suffira pas. Depuis la signature du contrat en 2001, la facture est passée de 20 à 27 milliards d'euros. C'est pourquoi Airbus fait à nouveau l'aumône auprès des commanditaires.
Les clients de l'A400M ont déjà donné un coup de pouce à Airbus en 2010
A cette époque, Airbus a trois ans de retard sur son calendrier. Commanditaires et fabricant envisagent même d'abandonner cette méga-commande publique de 180 appareils, mais le programme est maintenu, car la conception de cet appareil de transport militaire satisfait les clients. En l'occurrence, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Luxembourg, la Belgique, l'Espagne et la Turquie. Ils jugent l'A400M bien meilleur que ses concurrents américains. Grâce notamment à son moteur ultra puissant censé lui permettre de voler presque aussi vite qu'un avion de ligne ou bien assez lentement pour ravitailler des hélicoptères en vol, comme la France l'exige.
C'est aujourd'hui la fabrication de ce moteur hyper sophistiqué qui donne du fil à retordre à Airbus
Les motoristes sont aussi invités à cette réunion de crise. Le britannique Rolls Royce, l'allemand MTU et l'espagnol ITP sont concernés ainsi que le français Safran. Son patron a indiqué ce matin qu'il était prêt à discuter, mais pas question de supporter les pénalités à la place d'Airbus, le maître d'œuvre de la commande, et donc le principal fautif.
Comment expliquer un tel fiasco industriel alors qu'Airbus additionne les succès dans l'aviation civile ?
Les rivalités internes, les « caprices » des sept clients qui ont chacun leur propre cahier des charges, leur propre agenda de livraison et parfois leurs propres usines nationales à faire tourner ont largement contribué aux dérives. Il manquait un pilote dans l'avion jusqu'en 2015, année du crash meurtrier à Séville d'un appareil A400M qui a démontré une autre faiblesse dans sa fabrication. C'est à cette date qu'un nouveau chef est nommé à la tête de la division Avions militaires. Par ailleurs, Airbus a sans doute péché par orgueil, en pensant pouvoir exécuter un contrat militaire comme un contrat civil, et a donc sous-dimensionné le capital nécessaire pour développer un tel appareil.
Les gouvernants sont-ils prêts à consentir une rallonge au constructeur ?
Aujourd'hui, ils sont plutôt excédés. C'est le cas, on imagine, d'Ursula von der Leyen, la ministre allemande de la Défense en déplacement au début du mois en Lituanie à bord d'un A400M, elle a dû rentrer avec un autre avion à cause d'un problème de moteur ! Si cette réunion est convoquée, le patron d'Airbus, Tom Enders, devra se montrer d'autant plus convaincant qu'il a tout fait pour écarter les Etats de la gouvernance du groupe.