C’est Le Figaro qui l’affirme en première page ce matin. A l’approche des primaires et à quelques heures du second débat télévisé de ce soir, « le cas Bayrou sème la zizanie à droite », constate donc le quotidien d’opposition.
En fait, analyse Le Figaro, « les sarkozystes craignent que le soutien de François Bayrou à Alain Juppé ait pour prix la promesse d’un groupe centriste suffisamment nombreux pour empêcher une "rupture franche et complète avec les socialistes". » Autrement dit, poursuit Le Figaro, « si Nicolas Sarkozy a amplifié ses attaques à l’encontre du président du MoDem, c’est dans l’espoir de semer le doute sur la volonté réformatrice de son rival. »
Est-ce une bonne tactique pour l’ancien président ? Pas sûr, répondent plusieurs journaux. Ainsi, pour La Presse de la Manche, « Nicolas Sarkozy se rend compte qu’Alain Juppé est solidement installé en tête par les Français, qu’il lui est donc difficile de l’attaquer de front, ce qui le victimiserait. D’où l’idée étrange de partir en guerre contre François Bayrou. »
« Pour faire descendre Alain Juppé de son piédestal, Nicolas Sarkozy tentera certainement une nouvelle fois ce soir, pointe Le Journal de la Haute-Marne, de remettre sur le tapis le rôle occulte que jouerait François Bayrou dans la primaire, histoire de compromettre le maire de Bordeaux (…). Alain Juppé, lui, refuse d’entrer dans la polémique, une tactique habile qui vise à ne pas valoriser son adversaire. »
« Le mépris appuyé de Nicolas Sarkozy envers François Bayrou pose une intéressante question tactique, s’interrogent Les Dernières Nouvelles d’Alsace : pour gagner une élection, faut-il ratisser large ou ne considérer que son camp de base ? Alain Juppé, qui estime qu’un président doit être rassembleur, s’en tient à la première option (…). Recevoir l’appui de Bayrou, président du Mouvement démocrate, n’est à ses yeux ni aberrant ni désobligeant. Tout à sa volonté de se droitiser, Nicolas Sarkozy agit à l’opposé. Il se trompe. »
Qui plus est, pointe La Montagne, « pour l’heure, ce n’est pas Juppé qui est l’otage de Bayrou, c’est plutôt l’inverse. Quant à l’éventuel groupe parlementaire bayrouiste, il ne devrait être qu’une force d’appoint si les législatives sont très bonnes pour la future majorité présidentielle juppéiste. »
Pour La Charente Libre, les jeux sont quasiment faits… « La stature de président qui fait tellement défaut aujourd’hui à Hollande, colle au style Juppé. Ses adversaires de la primaire, Sarkozy en tête, s’épuisent contre ce blindage. Le favori des sondages trace sa route. Il ne devrait pas bouger d’un cil ce soir au milieu des six autres candidats. »
Sarkozy même pas mort ?
Attention, tempère Le Parisien : « non, Sarkozy n’a pas encore perdu » ; c’est le grand titre du journal qui constate que « malgré des sondages défavorables et des ralliements de poids à Alain Juppé, Nicolas Sarkozy se dit certain de créer la surprise. » En effet, précise Le Parisien, « à dix-sept jours du premier tour de la primaire, l’ancien président est convaincu que la victoire ne peut pas lui échapper. (…) Au premier tour, "on va être assez haut parce que les nôtres sont mobilisés", prophétise-t-il. En agitant l’épouvantail Bayrou, il pense avoir trouvé de quoi donner à Juppé le coup de grâce. Et, surprise, il ne prend même plus la peine de taper sur François Hollande, stupéfait de la fin crépusculaire de ce quinquennat. »
Alors ce soir, lors du second débat télévisé, le ton devrait se durcir… En effet, pointe Le Républicain Lorrain, « la campagne s’est considérablement musclée entre les deux poids lourds que sont Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Et pour donner un coup de pouce aux indécis, les deux favoris n’ont pas l’intention de se ménager. »
« Les challengers eux, relève Le Courrier Picard, vont vouloir faire reconnaître leur style et leur punch. Ils se battent surtout pour remonter sur le ring dans la campagne du vainqueur, voire gagner un ministère en se ralliant. »
Une potion libérale bien amère…
Pour Libération, il y a comme « une impression de déjà-vu » dans cette primaire à droite… Libération le reconnaît : « alors que François Hollande achève son mandat dans des tréfonds sondagiers, qu’aucune alternative potentiellement victorieuse n’a, en l’état, émergé à gauche et que Marine Le Pen ne semble (toujours) pas en situation de remporter une présidentielle, un retour de la droite à l’Elysée l’an prochain s’impose comme l’hypothèse la plus crédible. Une droite dont les candidats à la primaire chercheront à affirmer leurs singularités lors de leur deuxième débat télévisé, ce jeudi, mais qui partagent surtout un "programme commun", pointe Libération, en forme de potion libérale plus ou moins amère. De quoi faire passer le social-libéralisme actuel pour une vraie politique de gauche. »
Et cette potion, les Français ne sont guère enclins à la boire, s’il faut en croire ce sondage publié par Libération « Selon notre baromètre Viavoice, précise le journal, loin de générer un engouement collectif, les solutions proposées par la droite en matière économique et sociale suscitent un scepticisme majoritaire au sein de l’opinion. D’une manière générale, 61 % des Français jugent que le package de la droite risque de diviser le pays, 60 % pensent d’ailleurs qu’il générera des conflits sociaux importants. Dans le même temps, seuls 39 % considèrent les remèdes de la droite "plus efficaces" que ceux de Hollande pour les maux du pays (chômage en tête). »
Commentaire amer de Libération : « pour sortir la France de la crise, faut-il faire reculer comme rarement les protections des salariés, réduire brutalement le rôle de la puissance publique, libéraliser en grand le marché du travail et soulager soudain la contribution fiscale des classes les plus favorisées ? Répondre oui, c’est changer brusquement les principes sociaux adoptés par la France depuis 1945. C’est aligner la France sur une doxa libérale et inégalitaire qui commence à insupporter les peuples. Une gauche lucide et mieux unie pourrait faire échec à ce grand bond en arrière. Encore faudrait-il qu’elle existe. »
Enfin L’Humanité agite également l’épouvantail conservateur : « Attention danger. Alors que l’échéance s’approche pour les électeurs de droite appelés à choisir leur champion se dessine pourtant un programme commun à tous les prétendants. Chômeurs fliqués, salariés condamnés aux bas salaires et bâillonnés dans leurs droits syndicaux, fonctionnaires dépouillés de leur statut, éducation encore plus ouverte aux logiques marchandes, droit à la retraite sapé, étrangers montrés du doigt, budgets publics atomisés, TVA augmentée… brisons-là. Il s’annonce en cas de victoire de ce camp une volonté de contre-révolution conservatrice, soupire le quotidien communiste, permise par les coups de boutoir antisociaux des majorités successives depuis 2003. »