A la une: aux JMJ, l’amour et la haine

 

Le pape à Auschwitz, dans le silence, mais « en pensant à Saint-Etienne-du-Rouvray ». Dans ce camp allemand d’extermination proche de la ville de Cracovie, au sud de la Pologne, François a rendez-vous avec des survivants mais aussi des « Justes » ayant risqué leur vie pour sauver des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Et pourtant, en effet, le quotidien Le Figaro fait, dans un de ses titres, le lien avec le dernier en date des attentats terroristes en France.

Il faut dire que le pape est en Pologne pour les JMJ, les Journées mondiales de la jeunesse. Et en pensant à ces centaines de milliers de jeunes réunis à ces JMJ, Le Figaro remarque que beaucoup ont l’âge des deux terroristes de Saint-Etienne-du-Rouvray. A Cracovie, « les contemporains d'Adel et Abdel Malik veulent aller plus loin, et répondre à cet acte odieux avec l'enthousiasme qui est la marque de leur âge. Devant la sinistre leçon de ténèbres prodiguée par les meurtriers de Saint-Étienne-du-Rouvray, ils ne restent pas inactifs. À une attitude communautarisée et fanatisée, ils opposent une démonstration : celle d'un rassemblement coloré et joyeux, souligne Le Figaro. À la violence des islamistes, qui profanent au passage le nom d'un Dieu dont ils se prévalent, les jeunes catholiques de Cracovie préfèrent la paix et l'amour qui sont au cœur de leur foi, et le pardon aussi ».

Père Hamel : le deuil

L’hommage au père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray, justement. Il est également à la Une de la presse ce matin en France. C’était « la fraternité dans le deuil », hier, dans cette commune meurtrie du département normand de la Seine-Maritime, énonce Le Parisien. C’est là qu’a en effet, été rendu un émouvant hommage à ce prêtre assassiné deux jours plus tôt en pleine messe par deux djihadistes, et ce quotidien le relève en Une, soulignant la présence de personnalités comme Hervé Morin, qui préside la région Normandie, Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel et ancien élu de Seine-Maritime, plusieurs représentants religieux, dont l'archevêque de Rouen Dominique Lebrun.

Père Hamel : le silence

Et aujourd’hui, les catholiques sont appelés à une journée de jeûne et de prières. Et le journal La Croix, bien entendu, le signale solennellement en Une. Le quotidien catholique y appelle surtout à « surmonter la colère » et à « faire silence ». Car, explique La Croix, « tant de paroles ont retenti durant ces jours de cendre. Certaines étaient nécessaires, d’autres non. Il y a eu des mots qui ont apporté de l’apaisement, d’autres de l’emportement. Aujourd’hui, il est nécessaire de se taire ». On l’aura compris, La Croix, sans surprise, prêche ce matin le pardon, à l’attention de « certains, y compris parmi les chrétiens », qui ne voient « dans ce refus obstiné de la violence qu’un signe de naïveté, voire de faiblesse… »

Terrorisme : le soupçon

Car, en effet, le quotidien catholique s’alarme. Evoquant des « travaux de sociologues », menés depuis janvier 2015, analysant « l’effet » sur l’opinion française d’un « enchaînement inédit d’attentats », La Croix détaille plusieurs facteurs à risque. Tout d’abord le sentiment que, « désormais, plus personne n’est à l’abri » ; en second lieu, le constat que « l’Etat républicain est dépassé » ; mais « un autre élément inquiète les sociologues », souligne La Croix. Le rapport de ces spécialistes cité par ce journal admet que « le rapport à l’islam est en train de basculer, (…). Jusque-là, l’extrémisme islamiste était considéré comme une pathologie de l’islam. Peu à peu, l’idée que quelque chose au cœur de cette religion s’oppose à nos valeurs de liberté et d’égalité et est porteur de violence (…) prend corps. Dès lors, l’islam devient suspect aux yeux des personnes qui revendiquent la tolérance comme valeur. » Et La Croix redoute que ce qu’il appelle cette « sourde suspicion » puisse aboutir à la fois à « des comportements de repli communautaire chez les musulmans » et « un renforcement des rejets ». Pour le quotidien catholique, en conséquence, le « grand danger » serait que « les Français modérés commencent à se dire que les impératifs de sécurité doivent l’emporter sur l’Etat de droit ».

Crainte partagée par L'Union/L'Ardennais. Ce quotidien du nord-est de la France craint que les terroristes « libèrent les instincts les plus primaires ». Or, face à la haine, enjoint-il, « mieux vaut s'unir dans le droit que s'égarer dans la vengeance et la démagogie ».

Terrorisme : meurtriers sans visage

Justement, les terroristes, comment faut-il en parler dans la presse ? « Faut-il les montrer ? », se demande en Une Libération. Pour ce quotidien, ce dilemme que connaissent bien les journalistes est « sans fin ». Car si, pour Libé, cesser de publier les photos des terroristes relève d’une « bonne intention », le résultat, lui, est « mauvais ». Certes, admet ce journal, « on comprend l'argument : il y a peut-être, dans les motivations des djihadistes, l'espoir de gagner, post-mortem, une gloire qui flattera un ego malade, qui suscitera des émules ». Toutefois, modère Libération, « croit-on sérieusement qu'en étant privés d'image, les terroristes s'en trouveront modérés, dissuadés ? (...) Mieux vaut, pour les citoyens, regarder la menace en face, constater que les meurtriers ont aussi été des jeunes gens d'apparence inoffensive, semblables à tant de jeunes Français, issus ou non de l'immigration. Quitte à montrer leur photo », maintient donc le confrère.

A l’inverse, pour le quotidien L’Opinion, « au mieux, offrir une gloriole posthume à de minables assassins est superflu, de mauvais goût et peu respectueux de leurs victimes ; au pire, cela peut fasciner quelques esprits influençables. Il est donc légitime que des rédactions décident d'elles-mêmes de se dispenser de publier ces photos de "beaux-gosses" que les voisins trouvaient polis et qui avaient du succès avec les filles », estime L’Opinion.

A chacun sa vérité, donc. En tout cas, remarque Le Courrier Picard, « à la polémique sécuritaire, aux indécentes surenchères politiciennes de ces derniers jours, vient de s'ajouter (ce) nouveau débat, autour de la médiatisation des terroristes et de la légitimité - ou pas - de publier leurs noms et leurs photos. Plus futile, (ce débat) est aussi plus rassurant, explique Le Courrier Picard. Car il marque un retour à une réflexion moins pulsionnelle, plus distanciée ». Alors, débattons...

 

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