A la Une: indignation générale

Deuil et colère ce matin à la Une des journaux. Grande page noire pour Le Figaro, Le Parisien ou encore L’Humanité. « Assassiné par les barbares » ; « Martyrisé » ; « Horreur à l’office ». « L’ignoble sacrilège », s’exclame encore le Midi Libre. « La République profanée », lance L’Indépendant. « Ne rien céder », tonne Libération. « Jusqu’où ? », s’interroge Le Télégramme.

« C’est un cri de douleur, un cri de désarroi face au mystère du mal, souffle La Croix. Un cri de colère face à la violence fanatique qui ensanglante notre terre, notre monde. Toutes ces personnes désarmées, toutes ces vies fauchées, hommes, femmes, enfants, sans distinction de nationalité ou de religion. De Bagdad à Orlando, de Nice à Saint-Étienne-du-Rouvray… Aucune cause ne peut justifier une telle abomination, estime le quotidien catholique. La moindre complaisance envers de tels actes, même celle qui prend la forme d’un lâche silence, doit être condamnée. Mais notre cri vers Dieu est aussi un appel à l’aide pour résister à la tentation de la vengeance, affirme encore La Croix. (…) Répondre à la haine par la haine serait le triomphe du mal. »

« La prière et le châtiment », c’est le titre de l’éditorial du Figaro. « À cet acte de barbarie, les catholiques vont d’abord répondre de manière spirituelle. Ils vont s’efforcer d’être à la hauteur de l’inépuisable message d’amour qui est le cœur de leur foi. Mais leur réaction, pleine de dignité, ne les empêche pas d’attendre des autorités une réponse implacable à la terreur, affirme Le Figaro ; le fanatisme islamiste frappe, les tensions couvent, la peur gagne ; le gouvernement doit prendre la mesure de ce qui se passe en France, nommer le mal, le condamner, cela va de soi, mais aussi adopter l’arsenal militaire, policier et judiciaire pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Qu’ils croient au Ciel ou qu’ils n’y croient pas. »

Ne plus se contenter de mots…

Alors, « le temps des bonnes paroles est révolu et celui des actes forts doit venir, renchérit Sud-Ouest. Bernard Cazeneuve doit maintenant fusionner, de force s’il le faut, les services de renseignement et Manuel Valls, qui nous parle en permanence de "guerre contre le terrorisme", mettre ses actions en accord avec ses propos, ne plus se contenter du sempiternel état d’urgence quand 10.000 fichés S se baladent dans la nature. Qu’il se souvienne donc de ce que disait Clémenceau : "politique intérieure, je fais la guerre ; politique étrangère, je fais la guerre. Je fais toujours la guerre" ! »

« A l’évidence, il ne suffit plus de se contenter de mots, insiste L’Alsace. Tout le logiciel républicain doit être réorienté à l'aune de ce combat. En plus d’un effort de guerre, moral et financier, sans doute des mesures douloureuses devront-elles être prises en matière de contrôle des libertés. François Hollande, pour l’instant, s’y refuse. Pourtant, on ne combat pas le terrorisme au XXIe siècle avec des outils du siècle passé. L’unité de la nation sera aussi à ce prix. »

Concrètement, avance L’Union, il faut « adapter notre arsenal judiciaire et répressif à l’urgence. Qu’une ancienne recrue de Daech, qui voulait partir en Syrie, puisse se balader librement avec son bracelet électronique, interpelle très sérieusement. Cela ne devrait plus être possible. Et si la loi l’autorise, il faut changer la loi. »

« Notre autre ennemi, c’est nous-mêmes… »

« Comment répondre à la barbarie ?, s’interroge Le Journal de la Haute-Marne. Faut-il, puisqu’on nous dit que nous menons une guerre, oublier les grands préceptes de notre démocratie et laisser de côté nos valeurs humanistes ? » Eh bien non, répond La Voix du Nord. « Ce qui était visé c’est ce que nous sommes : un pays libre, laïque, ouvert, pluraliste (…). On ne réduira pas le terrorisme en renonçant à notre identité et en lui donnant raison. Les libertés individuelles et collectives ne doivent pas être rognées. »

Attention, prévient Libération, « notre autre ennemi, c’est nous-mêmes, c’est l’impatience, l’irresponsabilité de faire croire qu’on peut tout régler en sacrifiant l’Etat de droit, en surfant sur la rhétorique du choc des civilisations. Il faut plus que jamais refuser d’être entraîné sur le terrain de la division et de cette irresponsabilité politique qui consiste à préférer remporter une primaire et une présidentielle à tout prix. Et à croire qu’on peut prendre de vitesse le FN dans cette inepte surenchère, comme l’espère l’EI. Le combat contre le djihad ne se règlera pas d’ici mai 2017, pointe Libération. Donner plus de moyens humains aux services de renseignement, les rendre plus performants que jamais, lutter contre l’imaginaire de Daech, conduire des actions sur le terrain contre les réseaux de financement occulte et les commanditaires produira des résultats dans plusieurs quinquennats sans doute. Enfin, relève encore Libération, il faut cesser de croire que nous sommes seuls à être dans le collimateur de Daech. Les djihadistes ont tué à Paris, à Toulouse, à Nice, en Normandie, mais aussi à Bagdad, à Tel-Aviv, à Beyrouth, à Orlando... La guerre que nous mène l’EI n’est pas qu’une guerre contre la France, c’est une guerre contre la liberté. Ne la cédons pas sans combattre avec nos propres armes. »

Enfin, cette conclusion du Républicain Lorrain : « de vigoureux esprits nous appellent à ne pas nous abandonner à l’angélisme. Ils ont raison, l’heure est à la résistance. Mais prenons garde à ne pas nous tromper d’ennemis, à ne pas tomber dans le piège de la colère aveugle et de la vengeance. Le combat sera long et douloureux ; il ne sera victorieux que s’il reste mené dans la tolérance et le dialogue, malgré la peur et l’émotion. »

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