Bras de fer entre TF1 et France Télévisions

Une nouvelle ère s’ouvre pour TF1 avec un nouveau patron, Gilles Pélisson, et une nouvelle stratégie de rachat de maisons de production qui provoque un bras de fer avec France Télévisions.

On ne peut sans doute pas parler de changement, de cap stratégique, car Gilles Pélisson, le nouveau patron de TF1 qui remplacera en février Nonce Paolini, est un proche de l’actionnaire Martin Bouygues, comme de l’actuel PDG de TF1, groupe dont il est déjà administrateur. C’est donc en tandem avec Nonce Paolini que le futur patron qui fut PDG d’Accor et directeur général de Bouygues Télécom, s’apprête à suivre cette bagarre avec Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions.

En cause, le projet de rachat par le groupe TF1 de Newen, troisième producteur français avec des programmes comme Plus Belle la vie sur France 3, les Maternelles ou le Magazine de la santé sur France 5 ou encore Candice Renoir et Faîtes entrer l’accusé sur France 2. Selon le groupe public, Newen est le premier fournisseur de programmes de France Télévisions et les deux tiers de son chiffre d’affaires sont réalisés avec le service public. Imaginer que TF1 puisse avoir la haute main sur des émissions diffusées sur des chaînes publiques concurrentes, c’est un peu comme si la plupart des émissions de Radio France étaient conçues par une filiale de RTL. Pour la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, il faut veiller à garantir l’indépendance éditoriale des maisons de production regroupées sous la bannière de Newen, à savoir Telfrance, Be Aware ou Capa, mais, après tout, le rachat par TF1 est le prix à payer si on veut avoir des champions nationaux à la manière des anglo-saxons.

Delphine Ernotte, elle, ne l’entend pas du tout ainsi. La patronne de France Télévisions a annoncé qu’elle suspendait tous ses projets avec Newen, qu’elle contestait même que les investissements du groupe public financés par « la contribution des citoyens », comme elle dit, puissent servir une « telle tractation commerciale » sachant que l’actif de ce groupe de production est selon elle indissociable de sa relation avec le service public.

Alors bien sûr, au-delà de ce bras de fer, il y a aussi pas mal d’arrière-pensées. Pour TF1, qui dispose d’un trésor de guerre estimé à 730 millions d’euros depuis la vente d’Eurosport, il s’agit de réussir ce qu’on appelle l’intégration verticale de toutes les étapes qui constituent la chaîne de valeur de la télé. Mais côté France Télévisions, qui cherche à avoir une plateforme à la Netflix de distribution de ses programmes sur le numérique, c’est un problème. Car son projet passe par des négociations ardues avec les producteurs et on imagine mal TF1 accepter de lâcher les droits numériques des programmes de Newen s’il peut les vendre à son profit dans le monde entier.

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