En signant un nouveau contrat pour les 5 prochaines saisons avec son partenaire historique Canal +, la Ligue nationale de rugby a fait plus que doubler ses recettes télévisuelles. Au lieu de 31,7 millions d'euros jusque-là, chaque saison rapportera désormais à la ligue 71 millions d'euros en moyenne. C'est encore loin de ce que rapporte la ligue 1 de football, presque 10 fois moins en fait et ce n'est pas tout à fait ce qu'attendaient certains présidents des clubs les plus en vue du championnat qui avaient évoqué le montant de 100 millions d'euros annuels, voire un peu plus dans leurs rêves les plus fous. C'est néanmoins une très jolie culbute et cela place effectivement le championnat français tout en haut de la hiérarchie mondiale des droits télés.
Oyonnax plus valorisé que les All Blacks
Par exemple, pour chaque saison du Super XV, le championnat des provinces de l'hémisphère sud, mais aussi pour le tournoi des Four nations, le tournoi annuel des nations de l'hémisphère sud, puisque les deux compétitions sont vendues en bloc, les diffuseurs déboursent entre 60 et 65 millions d'euros. En clair, cela signifie que désormais, le Stade Toulousain et l'US Oyonnax valent plus cher que les Bulls de Prétoria et les All Blacks de Nouvelle-Zélande, pourtant champions du monde.
Pour en arriver là, il y a eu une négociation compliquée. La Ligue nationale de rugby était mécontente de son précédent contrat avec Canal +, négocié à une époque où la chaîne cryptée française était seule sur le marché. Depuis, un nouvel acteur est entré dans le jeu. Il s'agit des Qatariens de BeIN Sports, émanation d'Al Jazeera.
Vital pour Canal +
Avec sa surface financière quasi infinie, BeIN Sports a déjà fait très mal à Canal + en achetant une bonne partie des droits de retransmission de la Ligue 1 et de la Ligue des champions de football, mais aussi la NBA, le championnat nord-américain de basket-ball. Alertée par ce déferlement d'espèces sonnantes et trébuchantes, la Ligue nationale de rugby a donc relancé un appel d'offre avec l'intention affichée de faire jouer la concurrence.
Dès lors, le rugby devenait vital pour Canal +, pour ne pas se faire siphonner davantage d'abonnés. La chaîne cryptée intentait même une action en justice contre cet appel d'offre. C'est donc ainsi qu'il y a quelques jours la ligue interrompait le processus? avant d'annoncer son nouveau contrat d'exclusivité négocié de gré à gré et en coulisse avec Canal +. Et la chaîne qatarienne a donc perdu cette bataille, sans avoir pu vraiment concourir.
Le Qatar dans le rôle du lièvre
Le président de la Ligue a beau dire que son organisation « a été correcte avec BeIN », la chaîne du Qatar, où l'on pratique l'art délicat de la fauconnerie, a tout de même servi de lièvre dans cette affaire. Et le même Paul Goze d'ajouter, qu'il peut « Imaginer qu'il y ait de l'insatisfaction ». Le tout est de savoir comment elle va se manifester. Pour l'instant, BeIN Sports reste silencieuse. Un recours n'est évidemment pas impossible. Quelques jours avant cette rocambolesque conclusion, le patron de la chaîne, Youssef Al-Obaidly, interrogé par nos confrères du Figaro, ne l'excluait pas.
Ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est que BeIN Sports est l'émanation d'un groupe international présent dans plusieurs pays et qui fait partie intégrante de la stratégie de diversification des investissements qatariens à l'étranger. Cela signifie que BeIN Sports est appelé à durer et qu'un jour, le contrat qui vient d'être négocié arrivera à échéance et que ce jour-là, les dirigeants qatariens de la chaîne auront l'occasion de montrer qu'ils ont de la mémoire.