Cette société brésilienne s'appelle Widbook, et elle fait partie des entreprises les plus innovantes dans le secteur de l'édition. Son objet : offrir une plate-forme pour écrire des livres, les publier, mais aussi en consulter des extraits ou en intégralité. Tout ça bien sûr en version numérique. Pour expliquer comment ça marche, à quoi ça sert, rien de tel qu'une expérience en temps réel. Widbook a prévu de publier pendant la foire de Francfort une œuvre collective... (numérique !) sur l'avenir du secteur. Widbook est un exemple parmi d'autres des jeunes pousses invitées cette année à Francfort. L'avenir de l'édition n'est plus focalisé sur le débat entre le papier et le virtuel, mais plutôt sur les nouvelles voies à explorer pour favoriser ce que les éditeurs ont toujours fait depuis le début de l'imprimerie, offrir au plus grand nombre le plus de textes possibles.
Cette opposition entre support numérique et support papier est pourtant encore une question de vie ou de mort pour des milliers de libraires
C'est en ces termes que la question est posée en France. Mais la réalité est plus complexe. Si les libraires disparaissent comme peau de chagrin, ce n'est pas tellement parce que les Français lisent de plus en plus sur leurs tablettes, mais surtout parce qu'ils désertent les librairies. Aux Etats-Unis, déjà 20% du marché de l'édition se déclinent en 2.0. En France, on devrait péniblement atteindre la barre des 3% en 2015. Pour s'emparer du marché américain, Amazon a cassé les prix, vendu à perte, et a réussi à faire plier Apple et les 5 autres éditeurs qui s'étaient organisés en cartel pour contrôler les prix. Impensable en France où le prix du livre est fixe. Pour le moment, le prix de la version numérique est inférieur de 25% à 30% au prix du livre papier. Pas assez alléchant pour convaincre les lecteurs de renoncer au papier.
Ce n'est donc pas forcément Amazon ou les services en ligne de la Fnac qui menacent les libraires indépendants
Ce sont plutôt les géants de la distribution culturelle avec pignon sur rue. D'après les derniers chiffres disponibles, les grandes surfaces sont aujourd'hui en France le premier lieu d'achat du livre, internet ne vient qu'en troisième position derrière les libraires. Les députés français, en proposant de supprimer le cumul de la ristourne de 5% et de l'expédition gratuite actuellement proposée par des sites comme Amazon, se trompent de combat. Pour défendre les petits libraires, des agents de diffusion de la culture, il faut surtout les intégrer à la nouvelle économie numérique du livre, un objet culturel qui a besoin d'être redéfini.
Le livre n'est plus un produit industriel conventionnel
Et on ne sait pas encore ce qu'il sera demain. Les éditeurs l'ont déjà compris et ont tous dorénavant une politique de numérisation des livres. En France, 70 000 à 100 000 titres existent déjà en version internet, 700 000 attendent encore sur le rayon des libraires de changer de peau. Mais la numérisation n'est qu'un aspect du futur métier de l'éditeur. Il lui faut repenser le livre de demain en objet multimédia, enrichi de vidéo, de musique, ou d'autres choses encore. C'est sur cet avenir que la foire de Francfort entend nous faire réfléchir cette année en découvrant les nouvelles pousses qui rafraichissent cette industrie. Les libraires ont commencé à fréquenter la foire de Francfort au moment des premières expérimentations d'imprimerie réalisées par Gutenberg. C'était dans les années 1480. Pour que la tradition perdure, reste à inventer un nouveau modèle.