A qui profite l’immigration clandestine ?

Au moins 300 morts, c'est le bilan encore provisoire du naufrage du bateau au large de Lampedusa. A bord il y avait des centaines de ressortissants africains venus tenter leur chance en Europe. L'immigration clandestine, avec son lot de drames, de polémiques politiques dans les pays d'accueils est aussi une affaire prospère pour toutes les parties prenantes.

Le passage des clandestins c'est d'abord une activité lucrative pour les criminels qui organisent les filières. D'après les Nations unies, cette activité génère 7 à 10 milliards de dollars de revenus à travers le monde. À des degrés divers, quatre millions de personnes en tirent parti.

Sur les 200 millions de migrants répertoriés à travers le monde, 15% d'entre eux empruntent la voie clandestine pour gagner une terre d'asile. Le volume de ce trafic humain évolue au même rythme que celui de l'immigration officielle. Quand la conjoncture économique est bonne dans les pays d'accueil il tend à croître et quand elle se dégrade, il tend à se contracter.

Du côté des pays hôtes, l'immigration clandestine est plutôt perçue en termes de coût que de gains

C'est surtout vrai pour les pays qui font un peu office de sas de transition. La Grèce en Europe, le Maroc ou la Libye en Afrique, ou encore le département français de Mayotte dans l'océan indien où un habitant sur 3 est sans papier. Mais il y a aussi des régions, ou des secteurs, qui recherchent cette main-d'oeuvre bon marché. En occident en général dans le secteur de la restauration ou du bâtiment. Dans certains pays émergents également.

La Thaïlande, l'un des tigres de l'Asie emploie des clandestins pour décortiquer les crevettes qu'elle exporte. Car les Thaïlandais qui ont vu leur niveau de vie bondir ces dix dernières années ne veulent plus de ce travail trop harassant, trop mal payé. 90% des salariés de la filière sont aujourd'hui des sans-papiers, pour la plupart Birmans.

C'est la solution trouvée par cette industrie pour préserver ses marges et son avantage compétitif sur le marché mondial de la crevette. L'immigration clandestine est intrinsèquement liée aux besoins des économies des pays d'accueil. La preuve en est fournie par les États-Unis où la loi sur l'immigration envisage la régularisation de 11 millions de undocumented, tellement ces salariés sont devenus indispensables à l’Amérique.

Malgré les coûts et les risques supportés, les migrants y voient aussi une promesse de gain futur

Un exemple à Mayotte où une bonne partie des employés de maison sont payés en dessous du salaire minimum parce qu'ils sont dépourvus de papiers. Ce salaire au rabais est malgré tout plus rémunérateur qu'un emploi déclaré dans l'archipel voisin des Comores. Ce léger mieux, c'est aussi une source de revenus pour la famille restée au pays. Les envois d'argent, qu'ils proviennent des immigrés légaux ou non constitue un flux de revenu parfois déterminant pour les pays les plus pauvres.

Plus globalement les candidats à l'immigration sans filet fuient souvent des situations désespérées. Les victimes de Lampedusa étaient originaires de Somalie, un pays ravagé par la guerre et d'Érythrée, un pays étouffé par la dictature. Les candidats africains sont un peu les damnés de la filière clandestine. Les plus pauvres donc les plus exposés aux risques. Mais pas forcément les plus nombreux. En France par exemple les Algériens, les Marocains et les Chinois ont beaucoup plus profité de la dernière vague de régularisation que les sub-sahariens, c'était il y a 5 ans.

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