Il y a dix ans, les Français devaient cotiser trente-sept ans et demi pour parvenir à une retraite complète. Avec la réforme présentée aujourd'hui, les Français nés après 1964 savent qu'ils devront travailler cinq ans et demi de plus. Il aura fallu 4 réformes en une décennie pour résoudre l'équation démographique posée par le baby-boom. En 2020, toutes les générations de l'après-guerre, période de forte natalité, seront en retraite, il faut donc aménager le régime des transferts pour faire face à cet accroissement de la population la plus âgée, c'était l'avertissement contenu dans le livre blanc des retraites publié en 1991. C'est maintenant chose faite avec la mise à contribution des plus jeunes. C'est pourquoi cette réforme est souvent perçue comme un cadeau aux baby-boomers devenus papy-boomers. Les vieux jours de ceux qui ont connu le plein emploi, la croissance, est assuré, en revanche pas forcément ceux des plus jeunes. Pour les plus jeunes, c'est la double peine : pas d'emploi aujourd'hui, et peut-être pas de retraite après-demain.
Un autre paramètre est venu s'ajouter à l'équation du régime des retraites, celui de la croissance
Le système conçu dans l'après-guerre ne se souciait pas des ressources disponibles. Son seul objectif était d'étendre la garantie retraite aux plus grands nombre de salariés. Avec le ralentissement de l'économie, sensible depuis les années 1970, les Etats comme la France doivent redéfinir un modèle qui intègre la contraction des ressources. D'où la hausse des cotisations contenue dans cette réforme comme dans les précédentes. A noter que les actuels retraités sont aussi concernés puisque la revalorisation annuelle de leurs pensions sera reportée de six mois. Si les papy-boomers apparaissent néanmoins comme les grands gagnants, il ne faut pas oublier qu'ils ont participé massivement au financement des retraites pendant leur vie professionnelle. Sans cette natalité florissante, le marché de l'emploi compterait plusieurs millions de personnes en moins.
Cette mutation est-elle comprise par les Français ?
D'après un sondage commandé par la Banque HSBC, les Français ont fait beaucoup de chemin dans leur tête. En 2006, une majorité d'entre eux pensaient prendre sa retraite à 60 ans, maintenant ils placent le curseur à 62 ans. Cette évolution des mentalités est à recadrer dans le choc démographique en cours. Le démographe Hervé Lebras fait remarquer qu'au début du siècle, ses aînés parlaient volontiers dans leurs travaux du péril vieux en s'interrogeant sur le sort des plus de 50 ans. Dans les années 1940 étaient considérés comme vieux les plus de 60 ans. Un qualificatif qui correspond maintenant au plus de 75 ans. Sur le plan économique, la réforme des retraites était une urgence pour assurer la pérennité du système, mais elle nous invite aussi à revisiter la notion de senior.