« Le système bancaire européen est malade, très malade, c'est bien plus grave que ce que les gens disent ». Ce diagnostic c'est un économiste libre de sa parole qui le délivre. Dominique Strauss-Kahn, dans l'interview qu'il a donnée hier à CNN. L'ancien patron du FMI n'a fait qu'appuyer ce que Christine Lagarde a dit deux ans plus tôt, quand elle a pris ses fonctions à la tête du Fonds.
L'actualité récente donne raison aux dirigeants successifs du FMI. Quand la crise politique portugaise a fait tanguer la bourse la semaine dernière, c'est le secteur bancaire qui a le plus souffert, rappelant aux observateurs que c'était toujours le maillon faible de l'économie européenne.
L'abaissement de la note de plusieurs banques européennes par l'agence Standard and Poor's il y a quelques jours a confirmé ce sentiment négatif. Et contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les établissements des pays en crise qui ont été touchés, mais ceux du nord. Crédit Suisse, la Britannique Barclays et la Deutsche Bank sont concernés. Les banques européennes sont souvent jugées too big to fail, trop grosse pour s'évanouir, c'est vrai, mais le problème central ne vient pas tellement de leur taille, mais surtout de l'opacité qui entoure leurs bilans.
Les banques auraient encore dans leurs livres de comptes des actifs toxiques
Au bas mot 1000 milliards d'euros d'actifs pourris seraient encore détenus par des établissements européens selon le calcul effectué par le quotidien les Échos. Deux fois plus que ce que l'Europe a prévu pour sauver les États. Dans les livres de la Franco-Belge Dexia figure le quart de ce stock pour le moment invendable.
Des banques allemandes seraient elles aussi contaminées, mais tant que le contrôle bancaire reste au niveau national, l'ampleur des dégâts est masquée. Il faut donc chercher les indices ailleurs, dans l'actualité sociale, Commerzbank a annoncé la suppression de 5000 emplois.
Les banques européennes ont vu leur état se dégrader avec la crise de la zone euro sans que leurs dirigeants et le personnel politique ne prennent publiquement la mesure du mal. Ce manque de transparence peut se retourner contre elles. Il y a deux ans, elles ont passé avec succès les tests de résistance pour ensuite être attaquées pendant tout l'été sur les marchés, je pense en particulier à la Société Générale et à BNP Paribas. Depuis, pas grand-chose n'a été fait, les tests ont été revus, mais l'Europe repousse toujours à plus tard la mise en place de l'union bancaire.
Vite la recapitalisation !
Pour endiguer le potentiel de nuisance que constituent ces actifs pourris, les banques européennes doivent se recapitaliser. En cas de défaut d'un emprunteur, il faut avoir les reins solides pour encaisser les pertes, c'est-à-dire des fonds propres conséquents. Les Britanniques ont déjà pris la mesure du problème et estimé qu'il leur fallait trouver 30 milliards d'euros d'ici la fin de l'année pour renflouer les fonds propres des banques. Dans la zone euro, ce genre de calcul n'est toujours pas d'actualité. Dommage, car lorsque la croissance se manifestera, les banques ne seront pas prêtes à faire crédit aux entreprises, c'est comme ça qu'on étouffe les braises de la reprise.