Même les marchés n'y croient plus. Ils auraient pu ce mercredi matin saluer le cap de la rigueur à tout prix, maintenu par le Premier ministre, malgré les deux départs successifs. C'est tout le contraire qui s'est produit. La bourse de Lisbonne a brutalement dévissé et le taux d'emprunt à 10 ans est repassé brièvement au-dessus de la ligne des 8%, niveau inquiétant qu'il avait quitté depuis le mois de novembre.
En termes de financement, cette envolée n'est pas grave en soi, puisque le Portugal n'a pas l'intention de revenir sur les marchés avant l'année prochaine. Mais c'est un signal supplémentaire, rappelant aux gouvernants que l'austérité aboutit à l'effet inverse de celui qui est recherché.
Depuis que Lisbonne a demandé l'aide de l'Union européenne -c'était début 2011-, ses déficits se sont aggravés, sa dette s'est alourdie et la croissance s'est muée en récession. Deux Portugais sur dix sont aujourd'hui au chômage, quatre jeunes sur dix. C'est à cause de cet échec patent que le ministre des Finances, pourtant acquis à la cause de l'austérité, puis le ministre des Affaires étrangères, ont décidé de quitter le gouvernement.
Les Portugais contestent aussi de plus en plus cette politique
Jeudi dernier, ils sont massivement descendus dans la rue pour dire leur mécontentement. Et ce n'était qu'une manifestation parmi d'autres, car dès le début, les syndicats ont rejeté cette politique qui s'est traduite par une forte baisse du pouvoir d'achat. Le patronat a rejoint le camp des opposants à la rigueur et réclame une baisse des impôts et une politique de relance pour encourager les Portugais à consommer. C'est-à-dire l'inverse de ce qui est recommandé et infligé, diront certains, par la troïka.
Bruxelles a réagi à ces démissions en demandant au gouvernement portugais de conserver le cap de la rigueur
Selon le commissaire Olli Rehn, il faut maintenir le rythme des réformes. Comme en écho, le porte-parole du gouvernement allemand s'est dit confiant dans la capacité du Portugal à poursuivre dans la même voie. Un discours qui aura sans doute de plus en plus de mal à passer, y compris à l'extérieur du Portugal.
Comme le démontre une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques, les pays où la croissance est la plus faible sont ceux qui ont fait le plus de restrictions budgétaires. Des pays qui ont aujourd'hui besoin d'argent frais pour soutenir la relance et non d'économies supplémentaires. C'est un choix qui dépasse de loin le gouvernement portugais, qui dépend de la volonté commune des Européens.