Etats-Unis: l'emploi 2.0, miracle ou mirage?

Aux Etats-Unis, dans la Silicon Valley, en Californie, les entreprises poussent leurs salariés à prendre des congés, c'est le monde à l'envers !

Offrir une prime de 1 000 euros à ceux qui partent au moins une semaine par an, proposer des congés illimités à l'ensemble des salariés est en train de devenir la norme dans les Start up de Californie. Pour attirer les « talents », comme on appelle désormais les employés de la Net économie, les bons salaires ne suffisent plus, d'où le festival d'avantages octroyées par les entreprises. Non seulement les employés peuvent partir en vacances à leur guise, mais ils ont aussi des repas gratuits fournis sur le lieu du travail, le distributeur de cornets glacés à leur disposition au bureau, voire le ménage à domicile ou les cours de relaxation pendant les heures de bureau. L'inventivité des nouveaux bienfaiteurs du salariat paraît sans fin. Quelle que soit leur taille, toutes ces entreprises ont adopté ce nouveau mode de gestion de la ressource humaine. Après avoir connu l'enfer de la mine au XIXe siècle, le salarié a fini par obtenir au XXe, au prix de haute lutte syndicale, des congés payés, une assurance chômage et une couverture maladie. La Silicon Valley lui offre au XXIe siècle le paradis sur terre.

Les patrons de la Net économie seraient les nouveaux anges gardiens du salariat ?

Anges ou démons, commencent à s'interroger les premiers concernés ? D'abord tout le monde a bien compris que ces patrons, soucieux du bien-être de leurs forces de travail, sont avant tout obnubilés par les résultats de leur entreprise. Or, un salarié comblé au bureau y restera plus longtemps, sera plus productif, donc plus rentable. Cette générosité bien calculée devient parfois infernale pour le salarié. Car dans ces entreprises converties aux vacances illimitées, nul ne songe sérieusement à s'absenter du bureau. Trop décalé par rapport à la culture de l'entreprise. La crainte de la concurrence fait aussi partie du non-dit qui cloue ces talents à leur bureau repeint en cage dorée. Et puis dans cet univers sans règles, déposer des jours de congé « parce qu'on y a droit » est un argument qui ne peut même plus avoir cours.

Malgré ces contraintes insidieuses, cette kyrielle d'avantages offerts a de quoi attirer les salariés

Or, il ne s'applique qu'à un carré assez restreint d'happy few très recherchés par les employeurs. Essentiellement des ingénieurs et des créatifs du web. Quant à la masse des salariés, non seulement ils ne sont pas invités au club de loisir auquel les entreprises tendent à s'assimiler mais l'essor du numérique pourrait même très vite les priver de leur job. Jaron Laniers, un geek de plus en plus suspicieux sur le développement des nouvelles technologies, s'interroge sur la destruction d'emplois qu'elles génèrent. Son exemple favori : la comparaison entre Kodak qui, au plus haut de la vague, comptait 13 000 salariés et instagram qui a démarré avec 13 talents : les deux entreprises offrent un service de masse, la consultation de photo, sous forme papier pour le premier, sous forme numérique pour le second. Sauf que le premier crée de l'emploi, et donc du pouvoir d'achat pour acheter ses produits tandis que l'autre en détruit. Le marché du travail 2.0 veut-il dire double salaire pour les élus, zéro emploi pour tous les autres ? C'est la crainte d'un nombre grandissant d'observateurs du Net. 

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