La Chinafrique désenchantée

Les 124 chercheurs d’or clandestins chinois arrêtés la semaine dernière au Ghana ont été libérés ce week-end. Ils seront expulsés, c’est la condition posée par Accra dans l’accord trouvé avec Pékin. La fermeté des Ghanéens contraste avec la bienveillance qui a longtemps été celle des dirigeants africains envers la Chine. Serait-ce la fin de la lune de miel ?

La raison est en train de l’emporter sur la passion. Les dirigeants africains ont pris conscience que leur pays pourrait bien étouffer à force d’être embrassé par cette Chine si empressée. Ils deviennent vigilants sur le respect des contrats et de la loi. Dans le cas des orpailleurs chinois, Accra a relâché les suspects qui doivent maintenant rentrer chez eux tout en faisant planer la menace de nouvelles arrestations : la loi sera appliquée strictement. Pas question de laisser des étrangers phagocyter la prospection artisanale. La publicité donnée à cette affaire ne suffira sans doute pas à éliminer l’activité de ces sans-papiers chinois qui seraient présents par dizaines de milliers, mais cela indique bien à quel niveau le Ghana place maintenant le curseur. Le fait d'avoir une dette colossale à l’égard de la Chine, de l'ordre de 3 milliards de dollars, n'en fait pas un obligé de l’empire du Milieu.

L’opposition demandait d’ailleurs que ce prêt soit renégocié

Or il n’en est rien pour le moment. La résistance des Africains butera nécessairement sur la real politik. Difficile de se passer de la Chine, devenue en dix ans le premier investisseur sur le continent. Le principal partenaire commercial. La seule puissance capable de financer et de construire les infrastructures dont est encore dépourvue l’Afrique. Ce qui s'est passé au Ghana n'est pourtant pas la réaction isolée d'un Etat. Beaucoup d'autres pays se montrent de plus en plus inflexibles avec la Chine. Pendant que les supposés mauvais traitements ghanéens réservés aux illégaux chinois émouvaient la blogosphère chinoise, un autre événement, au Gabon, a choqué dans les milieux pétroliers. La semaine dernière, Libreville a fait part de son intention de reprendre le contrôle d’un gisement sous-marin exploité en ce moment par une filiale du groupe Sinopec, Addax. Le contrat qui devait être renouvelé en 2015 pourrait être remis en cause, car le gouvernement estime qu'Addax n'a pas respecté pas les clauses prévues.

Ce n’est pas la première fois que Addax est épinglée au Gabon

L’année dernière, la compagnie s’est vu retirée l’exploitation du champ d’Obengue repris par la société nationale gabonaise, Gabon Oil Co. Cette décision intervient dans un contexte de reprise en main général du secteur par les autorités gabonaises. Un réveil national sensible dans d’autres pays. En février dernier, la Zambie a stoppé l’attribution de mines de charbon à des groupes chinois parce qu’ils bafouaient des normes de sécurité. Ces exemples ne sont que la partie visible des changements d’attitude des Africains à l’égard des Chinois. Beaucoup de contrats en cours de signature sont aujourd’hui suspendus, compromis par les nouvelles exigences des pays hôtes. Dans tous ces bras de fer les dirigeants africains tentent de reprendre le contrôle de la poule aux œufs d’or, les abondantes matières premières tant convoitées par Pékin. Mais cette vigilance inédite des autorités africaines n'est pas réservée aux seuls Chinois. Au Gabon, par exemple, deux autres sociétés étrangères sont dans le collimateur de Libreville. 

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