Disons que les pays émergents se donnent du temps pour créer cette banque, car ils n'ont pas réussi pour le moment à s'entendre sur un élément essentiel : la répartition du financement de l'établissement, ce qui directement débouche sur la répartition du pouvoir au sein de cette nouvelle institution financière. Les Sud-Africains par exemple se demandent comment trouver les 10 milliards de dollars exigés dans le projet initial, puisque cela représente tout de même plus de 2% de leur produit intérieur brut. Mais curieusement ce sont les Russes qui ont freiné des quatre fers en proposant un ticket d'entrée poids plume de 2 milliards de dollars seulement. Les 5 pays ont donc encore pas mal de travaux devant eux avant de parvenir à un accord satisfaisant, qui verra le jour si tout va bien lors de leur prochain sommet, au Brésil en 2014. Après l'annonce en grande pompe faite au début du sommet, le soufflé est retombé, ce flop reflète bien les crispations qui les animent. Les Brics, de par leur histoire, de par leur poids économique respectif, se méfient les uns des autres.
Méfiance au sein des Brics
L'Afrique, par exemple, est plus regardante sur les investissements chinois. Et il n'y a pas que l'Afrique qui devient suspicieuse à l'égard de Pékin. La plupart des pays émergents sont à la fois aimantés et mortifiés par les moyens de la Chine parce qu'elle ne joue pas tout à fait dans la même cour qu'eux. Elle représente à elle toute seule l'équivalent de la richesse additionnée des 4 autres pays émergents. Chacun d'entre eux a donc de bonnes raisons de redouter ses visées expansionistes. L'Exim Banque, la banque chinoise d'import export distribue déjà davantage de prêts que la Banque mondiale pour financer les projets conçus à Pékin pour in fine servir les intérêts... chinois. Et puis les Brics, s'ils se ressemblent, s'ils commercent beaucoup entre eux, sont aussi des pays concurrents et pour le moment ils sont prudents dans leurs investissements à l'étranger, ils réservent la plus grosse part aux continents européen et américain ou aux pays asiatiques. D'après un rapport publié cette semaine par la Cnuced, leurs investissements mutuels ne représentent que 2,5% du total injectés dans les Brics alors qu'au niveau mondial, 10% des investissements étrangers émanent de ces pays.
Cette banque de développement a-t-elle de réelles chances de voir le jour ?
Les gouvernants ont démontré à Durban qu'il est plus facile de s'opposer aux institutions en place que d'en construire de nouvelles. La suite de l'histoire relève plus de la politique que de l'économie. Comme le G20 peine à s'imposer comme acteur de premier plan de la gouvernance mondiale, les Brics se cherchent encore une légitimité autre qu'économique sur la scène internationale.