Chypre, l’euro… et les apparences sauvées !

Avec le nouveau plan proposé à Chypre, la zone euro a une nouvelle fois évité l'explosion. Mais ce sauvetage annoncé tôt ce matin après une nuit d'intenses négociations à Bruxelles suscite bien des réserves.

Avec cette deuxième mouture du plan d'aide concocté par les gouvernants européens, la zone euro est a priori sauve, et la morale aussi. Les petits détenteurs de compte sont épargnés et la mise en faillite de la seconde banque chypriote signe l'arrêt de mort de l'« économie casino », selon l'expression lancée par Pierre Moscovici, le ministre français de l'Economie, qui a conduit l'île au bord du gouffre. Le soulagement n'est pourtant pas manifeste. Sans doute parce que les Chypriotes vont payer durement et longuement ce plan d'aide. La restructuration du secteur bancaire provoquera la disparition immédiate de milliers d'emplois, ce n'est pas rien dans un pays qui compte un million d'habitants, et surtout elle va entraîner automatiquement un resserrement du crédit. Quelle banque sera en mesure de distribuer des prêts et à quel taux à l'avenir ? Une lourde récession se profile aujourd'hui sur l'île. De surcroît Nicosie a dû accepter les conditions posées par Bruxelles : l'impôt sur les sociétés sera augmentée et une partie des services publics privatisée. C'est donc une cure d'austérité sans précédent qui attend les Chypriotes, ce qui on le constate chaque jour en Europe, ne fait que retarder la reprise. Et déconcerter l'opinion. L’impôt brièvement envisagé sur les détenteurs de petits comptes a aggravé le divorce entre les peuples et les dirigeants européens.

L’Union monétaire fragilisée par ce sauvetage

Ainsi l'explosion de la zone euro a été évitée, au moins formellement. Dans les faits, les divergences au sein de l'Union s'accroissent : la monnaie unique est désormais multiple car dans la mesure où ils auront le choix, les clients des banques chypriotes préfèreront sans doute déposer leurs économies dans des pays à l'abri de ce genre d'impôt exceptionnel. Les euros chypriotes seront de fait dévalorisés par rapport aux euros conservés dans les banques allemandes. D'une façon plus générale, l'action de la Banque centrale européenne à l'égard de Chypre, comme avec les autres pays en difficulté, a bien permis de sauver les apparences en préservant l'euro, mais les problèmes de fond qui, eux, relèvent des dirigeants politiques, n'ont pas été traités. Ni la gouvernance de la zone euro n'a évolué, ni les réformes nécessaires visant à améliorer la compétitivité de l'Europe n'ont été entreprises. Enfin la crédibilité des Européens est entamée. Après l'exceptionnelle mise à contribution des créanciers grecs, voici l'exceptionnelle ponction sur les clients des banques chypriotes... Quel est le prochain pays qui nécessitera un traitement particulier ?

Satisfaction d’Angela Merkel à Berlin

Malgré les faiblesses de l’accord et les questions qu’il pose, la chancelière allemande a fait part de sa satisfaction. D'une part la gardienne de l'orthodoxie financière a pu une fois encore imposer ses vues, d'autre part la future candidate à un renouvellement de son mandat est ravie de l'affichage interne auprès des contribuables allemands appelés aux urnes cet automne. Ils n'auront pas à mettre la main à la poche. Du moins c'est la version valable dans les prochains mois. Vu les difficultés que rencontrent Grecs, Italiens, Espagnols pour sortir de la crise, tout indique qu'un second plan pourrait être demandé par les Chypriotes dans l'année qui vient.
 

 
 

Partager :