L'Argentine est un acteur majeur du marché mondial du soja, mais aussi du blé. Sixième exportateur de blé, l'Argentine vend en particulier au Brésil et en Afrique du Nord. Mais elle risque peu à peu de ne plus pouvoir remplir son rôle de fournisseur, pas plus du marché intérieur argentin que du marché mondial, et c'est l'effet pervers de la politique menée par le gouvernement de Cristina Kirchner.
Depuis quelques années, les autorités de Buenos Aires ont imposé des taxes et des quotas aux exportations de blé pour limiter les quantités de blé qui sortent du pays. L'objectif c'est que le marché argentin soit bien approvisionné, et donc que les prix du blé n'augmentent pas trop dans le pays, qui souffre déjà d'une très forte inflation.
Mais du coup, les agriculteurs argentins tirent moins de profit du blé et s'en détournent ! Cette année (2012-2013), l'Argentine devrait produire un tiers de blé de moins que l'an dernier (11 millions de tonnes contre 15,5 millions de tonnes selon l'USDA, le Département américain de l'agriculture). A peine de quoi répondre à la consommation argentine (6 millions de tonnes) et remplir le quota d'exportation qui a pourtant été divisé par deux cette année (3 millions de tonnes).
Car à la place du blé, c'est de l'orge qui pousse désormais dans les champs. Depuis 2005, les surfaces argentines d'orge ont été multipliées par six. On dit « faire son orge », en vieux français, pour s'enrichir, et c'est vrai que l'orge est devenue en quelques années une culture de rente. Moins taxée quand elle quitte le pays, l'orge est exportée à 80%. Destination : l'industrie de la brasserie au Brésil, l'alimentation des chameaux en Arabie Saoudite et celle du bétail en Chine. Le gouvernement argentin semble avoir pris la mesure de cet essor incontrôlé de l'orge aux dépens du blé. C'est pourquoi il menace à présent les agriculteurs d'imposer une taxe supplémentaire sur les exportations d'orge, cette fois si les fermiers ne se remettent pas à cultiver plus de blé !