Les efforts accomplis par ce petit pays du nord de l'Europe sont impressionnants. Quand la crise de 2008 balaie ses banques, creuse ses déficits, il aurait pu utiliser la dévaluation de sa monnaie, le lats, pour retrouver un peu d'oxygène. Mais le gouvernement préfère arrimer sa monnaie à l'euro et s'imposer une cure d'austérité en échange d'un prêt du FMI et de l'Union européenne (de 7,5 milliards d'euros). Un véritable remède de cheval : un fonctionnaire sur trois est remercié. Des pans entiers des services publics, notamment dans le secteur de la santé, sont privatisés et les salaires sont rabotés de 30%, voire divisés par deux pour les emplois les moins bien rémunérés.
Trois ans plus tard, les comptes publics sont sur la voie du rétablissement et la Lettonie a retrouvé le chemin de la croissance. Elle était de 5% l'année dernière. Elle peut donc envisager de rejoindre la monnaie unique même si l'idée laisse sceptique une grande partie de la population. Christine Lagarde, venue sur place en juin dernier, a célèbré cette réussite, puis la presse allemande a encensé ce retournement stupéfiant. Dans les milieux de la BCE, on oppose volontiers l'abnégation des Lettons à la résistance des Grecs au programme de rigueur imposé.
Un modèle d’abnégation
Le principal mérite des Baltes, si on les oppose aux Grecs, est sans doute d'avoir accepté ces mesures sans broncher. Car ils ont subi de plein fouet cette dévaluation interne qui les a globalement appauvris. Le produit intérieur brut est loin d'avoir retrouvé le niveau d'avant 2008. Idem pour le chômage. Il y a encore près de 20% de Lettons à la recherche d'un emploi. Au plus fort de la crise, le taux de chômage était de 30%. Il a reflué parce que la confiance est revenue, mais aussi et surtout parce que les plus jeunes sont allés tenter leur chance ailleurs. Ce pays de 2 millions d'habitants a perdu 5% de sa population depuis la crise de 2008. On peut s'étonner que la directrice générale du FMI ait vanté les performances de la Lettonie, alors que son économiste en chef, Olivier Blanchard, reconnait que les programmes d'austérité sont néfastes à la reprise. Par ailleurs, les créanciers de la Lettonie ferment les yeux sur la partie moins avouable de son économie : le blanchiment d'argent.
La zone grise de l’économie lettone
C'est une tradition locale, favorisée par le voisinage de la Russie, l'ex grand frère soviétique. Les oligarques russes sont très présents en Lettonie où vit une importante communauté russophone. La Lettonie attire aussi de plus en plus d'investisseurs qui n'ont pas forcément pignon sur rue. Ces derniers mois, elle a en quelque sorte pris le relais de Chypre, un pays plongé dans la crise, dont les banques fermaient les yeux sur l'origine des fonds déposés sur ses comptes.
Actuellement, la moitié des dépôts enregistrés dans les banques lettones sont le fait de résidents étrangers. Le gouvernement a fait des efforts pour éradiquer ces pratiques, mais pas assez pour Bruxelles. Dans un rapport publié au début de l'année, la commission européenne demande à Riga de renforcer sa lutte contre l'évasion fiscale et le blanchiment d'argent.