Cette industrie en pleine déroute depuis 1999 tendrait à nouveau vers la croissance, selon Frances Moore, qui représente le syndicat mondial des producteurs de disques. L'âge d'or du CD vendu trois fois son prix de revient est bel et bien terminé. Et il ne reviendra pas, en témoigne la mise en faillite du distributeur Virgin à Paris. Mais les autres modes de consommation de la musique, qui ont émergé avec internet, commencent à être viables. Si en France, le disque physique constitue encore 75% des revenus d'une industrie toujours en perte de vitesse cette année, Universal, l'un des quatre poids lourds mondiaux, tire déjà la moitié de ses revenus du numérique.
Aux Etats-Unis, au Japon ou en Grande Bretagne, l'industrie est à nouveau bénéficiaire grâce au téléchargement
Dans ces pays, le téléchargement a été propulsé par Apple et son Itunes. Cela reste une façon de consommer de la musique proche du disque, puisque vous importez un morceau sur votre lecteur et vous en êtes définitivement propriétaire. Un autre modèle décolle en ce moment : le streaming, popularisé par les sites comme le Suédois Spotify ou le Français Deezer. Soit la musique est proposée en ligne gratuitement avec de la publicité qui hache l'écoute - cette consommation est alors un produit d'appel -, soit la musique est proposée à l'abonnement, et c'est le modèle visé. Avec un droit mensuel d'environ 10 euros, on écoute autant de musique que souhaitée, mais sans jamais en devenir propriétaire. En Suède, le streaming écrase le téléchargement. Le hic, c'est que ça ne rapporte pas grand chose. Spotify est très discret sur ses gains, car il doit surtout payer des licences pharamineuses aux producteurs pour pouvoir mettre leur musique en ligne.
Cette nouvelle donne numérique bouleverse la géographie de cette industrie
Un basculement est en cours, à l'Est vers le Moyen-Orient et surtout vers le Sud. Deezer s'est installé l'année dernière dans une dizaine de pays africains. Itunes a fait de même. Pour le moment, ces marchés n'ont pas le même potentiel que ceux du Nord, en terme de pouvoirs d'achat. Mais avec l'essor du smartphone et de la classe moyenne, ce sont de nouveaux gisements de fans, de clients pour les chanteurs.
Cette nouvelle industrie fonctionne bien pour les artistes célèbres comme Lady Gaga. Mais pour la grande masse d'entre eux, c'est beaucoup plus aléatoire. Un titre doit être écouté 200 fois en streaming pour dégager le même revenu qu'un téléchargement. En revanche, le streaming a l'avantage d'être une source de revenus durable, tandis que le téléchargement est unique. Mais surtout, les artistes et les producteurs français déplorent que l'essentiel de la valeur générée par la musique numérique soit captée par les géants de l'internet, Facebook, Google ou encore Apple, et non par ceux qui créent cette valeur. D'où, en France, le débat sur un impôt prélevé sur ces opérateurs pour financer la création musicale. Pour le moment, la ministre de la Culture Aurélie Filipetti, qui était ce week-end à Cannes, est restée vague sur le sujet.