Une loi pour brider les banques françaises

Pour éviter un nouveau séisme financier, la France se dote d'une loi pour mieux contrôler l'activité des banques. La loi de séparation et de régulation bancaire a été présentée mercredi 30 janvier à l'Assemblée nationale par Pierre Moscovici, le ministre de l'Economie et des Finances.

C'était une promesse du candidat Hollande, qui s'inscrit dans un vaste mouvement de mise au pas du secteur bancaire. Les Etats-Unis ont été les premiers à légiférer avec la loi Dodd-Franck, puis le Royaume-Uni avec la loi Vickers. L'Union européenne réfléchit à un projet basé sur le rapport du Finlandais Likannen. Le texte français arrive après les autres. Il sera néanmoins précurseur car il entrera en vigueur immédiatement, tandis que l'application des textes anglo-saxons est reportée aux calendes grecques pour certains. Sur le fond, l'objet est bien de séparer les activités de marché des banques des activités destinées à financer l'économie réelle. Et d'autre part de renforcer les pouvoirs du régulateur pour qu'il puisse intervenir s'il estime que la banque joue avec le feu. L'autorité de contrôle prudentiel s'en chargera avec des moyens accrus. Objectif : éviter que l'Etat soit condamné à sauver une banque qui aurait fait des paris hasardeux sur les marchés.

Les banquiers ont émis des réserves sur ce projet de loi

Globalement ils estiment qu'on se trompe de réforme, que les banques françaises dites universelles, c'est-à-dire mélangeant activités de marché et de dépôt, ont bien résisté à la crise. Lehmann Brothers qui, dans sa faillite, a entrainé toute la planète dans la crise, était d'ailleurs une banque d'investissement. D'après eux, le vrai problème, ce sont les marchés : il faut mieux les réguler. Et pour cela, ce n'est pas une législation nationale qui est nécessaire mais une négociation au moins européenne.

Pourquoi brider les banques françaises ?

Elles représentent un danger potentiel pour les finances publiques en raison de leur taille, ce qu’omettent volontiers leurs dirigeants. Quatre d'entre elles sont dites systémiques, c'est-à-dire qu'en cas de défaillance, une seule peut contaminer l'ensemble du secteur comme l'a fait Lehmann Brothers. Etant trop grosses pour s'effondrer, too big too fail, elles seraient nécessairement sauvées par l'Etat. La loi devrait éviter qu'on arrive à cette extrêmité en cas d'erreurs de gestion de la banque. Malgré les griefs qu'ils ont formulé sur la réforme, les banquiers se disent néanmoins satisfaits du texte et prêts à l'appliquer, car leur statut universel n’est pas remis en cause. Ils devront simplement créer des filiales pour isoler leurs activités de marché.

Des bonnes dispositions suspectes aux yeux de ceux qui critiquent la réforme

Qu'ils soient économistes ou citoyens militants, ils estiment que la réforme est bien trop laxiste. Car beaucoup d'activités du ressort des marchés vont rester dans le giron de la banque de dépôt en raison de la définition très floue inscrite dans la loi. Toute opération ayant une utilité économique sera épargnée, dit le texte. Par exemple, les opérations sur les marchés dérivés ou les crédits aux hedge funds, même s'ils sont domiciliés aux îles Caïman, resteront aux mains de la maison mère. Idem pour le trading à haute fréquence, ou encore la spéculation sur les marchés agricoles. C'est maintenant aux députés et aux sénateurs de se faire une opinion et d'amender le texte s'ils l'estiment nécessaire.

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