Le paradoxe pourrait choquer au premier abord : l'Europe abandonne ses mines alors qu'elle n'a jamais autant consommé de charbon que ces deux dernières années. Au point d'en importer massivement de Russie et de Colombie ! Depuis la catastrophe de Fukushima et le coup d'arrêt au nucléaire décidé par les Allemands, les Belges et les Italiens, les producteurs européens d'électricité, en l'absence d'énergies renouvelables en quantité suffisante, ont plébiscité le charbon. Moins cher que le gaz, polluant certes, mais cela n'avait pas d'impact financier, le quota de CO2 ne valait plus rien.
Pourtant il s'agit d'un regain très ponctuel du charbon en Europe : ce continent a choisi de séparer sa trajectoire du reste du monde, où le charbon devrait bientôt détrôner le pétrole. Pas en Europe, car la Commission de Bruxelles a fixé des objectifs de réduction des gaz à effet de serre en 2020, 2030 et 2040, qui poussent les Etats membres à abandonner les centrales à charbon. En outre, dès l'an prochain, les producteurs d'électricité devront payer l'intégralité de leurs droits à polluer. Enfin, dans moins de six ans, les subventions des Etats à leur industrie d'extraction devront avoir disparu. Il n'y aura plus de place en Europe pour les mines de charbon qui ne sont pas rentables.
L'extraction a déjà cessé en France en 2004. L'Allemagne s'est engagée, malgré la résistance des Länder, à fermer ses cinq dernières mines. La Roumanie en fermera trois sur sept. Quant à l'Espagne, qui avait pourtant poussé ses électriciens à consommer de la houille des Asturies, ses contraintes budgétaires la forcent à diminuer drastiquement les subventions avant l'heure, d'où la colère des mineurs. Reste le Royaume-Uni : l'industrie a beau ne plus recevoir un penny de subventions depuis trois ans, elle fournit encore 40% du charbon nécessaire au pays, mais le charbon devra là aussi reculer.
La vraie exception reste la Pologne : elle souhaite non seulement maintenir la production mais aussi la développer, grâce à des dérogations aux exigences environnementales en Europe de l'Est. L'Europe de l'Ouest, elle, est contrainte de remiser ses mines de charbon au musée, l'UNESCO vient d'élire les bassins miniers belge et français au Patrimoine mondial de l'humanité.