Depuis la partition de juillet dernier, le Soudan du Sud a récupéré les trois quarts de la production pétrolière du Soudan, 300 000 à 350 000 barils par jour, mais il est enclavé : c'est au nord que se trouve le terminal d'exportation du brut, à Port-Soudan. D'où le bras de fer entre les autorités de Juba au Sud, et de Khartoum au Nord, sur la répartition des revenus pétroliers. Khartoum demandait un tarif prohibitif pour le transit du pétrole sud-soudanais sur son territoire. Devant le refus de Juba, le gouvernement d'Omar el-Béchir a siphonné près de 2 millions de barils à son voisin du Sud, qui n'a pas tardé à réagir, en ordonnant aux compagnies chinoise, malaisienne et indienne, qui opèrent chez lui, de fermer les vannes. Les 871 puits du Sud-Soudan seraient arrêtés depuis le 9 février.
L'absence de cet approvisionnement n'arrange pas les affaires des acheteurs asiatiques, qui cherchaient à diversifier leurs achats pour moins dépendre du pétrole iranien. La Chine achète 80% de la production soudanaise et le Japon est encore plus dépendant du pétrole pour ses centrales thermiques depuis que sa production d'électricité nucléaire est réduite au minimum. Résultat : depuis le début de l'année, les raffineries asiatiques se tournent davantage vers l'Arabie Saoudite, l'Irak, la Russie, l'Australie, le Vietnam. Mais aussi massivement vers l'Afrique de l'Ouest. Jamais les commandes asiatiques de pétrole africain n'ont été aussi importantes. Les livraisons prévues jusqu'en mars atteignent près de 2 millions de barils. Le pétrole nigérian est très prisé, mais c'est avant tout le brut angolais qui a la cote : visqueux et de faible teneur en souffre, il ressemble beaucoup au « Dar Blend » soudanais. La Chine aurait commandé une demi-douzaine de tankers de brut angolais supplémentaires.
En attendant la construction de nouvelles routes pour le pétrole du Sud-Soudan, qui a signé un accord pour un oléoduc avec le Kenya, puis hier (lundi 13 février) avec Djibouti - l'oléoduc traverserait alors l'Ethiopie -, la production du jeune Etat sud-soudanais devrait, selon l'Agence internationale de l'énergie, rester inférieure à ses capacités jusqu'à l'automne prochain et, selon les négociants les plus pessimistes, être proche de zéro toute l'année. Tout dépendra du résultat des négociations pétrolières entamées dimanche 12 février par les deux frères ennemis soudanais.