11 milliards d'euros ! Ce sont les bénéfices de Gazprom, rien que sur le premier trimestre. Une hausse de 44% par rapport à la même période l'an passé. Le géant russe a vendu plus de volumes de gaz et à des prix bien plus élevés. Le prix du gaz fourni par la Russie dans le cadre de contrats à long terme est corrélé aux cours du pétrole, et ces cours ont beaucoup augmenté au premier trimestre. Les clients de Gazprom, en premier lieu les Européens, confrontés à un hiver très rigoureux, se sont rués pour acheter des quantités supplémentaires de gaz par crainte que les prix du pétrole n'atteignent de nouveaux sommets et alourdissent encore davantage leur facture.
Si ce mouvement précipité vers l'approvisionnement russe est appelé à se calmer un peu au deuxième semestre, il n'en demeure pas moins que la crise qu'a connu le gaz en 2009, où la chute de la consommation avait coïncidé avec une surabondance de l'offre avec la découverte des gaz de schistes, cette « page est définitivement tournée », comme le résume le PDG de Gazprom. Alexeï Miller évoque même des « mouvements tectoniques sur les marchés énergétiques », depuis le séisme japonais. La catastrophe nucléaire de Fukushima a rebattu les cartes en faveur du gaz, dont l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dit dans un rapport qu'il est entré dans un véritable « âge d'or ».
Depuis le mois de mars, le Japon doit déjà compenser la fermeture de deux tiers de ses réacteurs nucléaires, soit 20% de ses besoins en électricité, par l'importation massive de gaz naturel liquéfié. La construction d'un nouveau terminal de stockage de GNL vient même d'être lancée hier sur la côté nipponne. De son côté, l'Allemagne a renoncé immédiatement à 40% de ses capacités nucléaires, soit 10% de son énergie électrique. Elle s'est alors tournée davantage vers le gaz russe ; elle pourrait aussi devenir le premier client d'un nouveau terminal de GNL à Rotterdam.
A plus long terme, il faudra compter avec les immenses besoins énergétiques de la Chine, de l'Inde et des pays du Moyen-Orient. La Chine qui a pour l'instant à peu près la même consommation de gaz que l'Allemagne, devrait consommer autant que l'Europe tout entière d'ici 2035, d'après l'Agence internationale de l'énergie. Selon elle, il faudra fournir au total à la planète moitié plus de gaz, un supplément d'offre équivalent à trois fois la production russe !