La raison invoquée par la direction d'Alstom pour arrêter la production à Belfort est la baisse des commandes. D'ici à 2018, elles vont chuter de 30% pour les douze sites français du groupe. Et l'usine de Belfort est la plus affectée par cette baisse. A la fin du mois de juillet dernier, le groupe Alstom a perdu un appel d'offres qui portait sur 44 locomotives de manoeuvre, pour un montant de 140 millions d'euros. Si Alstom l'avait remporté, les locomotives auraient été construites dans l'usine de Belfort.
Une fermeture qui passe mal
Evidemment, l'annonce passe mal dans ce « berceau historique du ferroviaire », soulignent les salariés de l'usine et quelques ténors du parti socialiste. Arnaud Montebourg, l'ancien ministre de l'Economie, a parlé de « fermeture inacceptable ». Et la ministre de l'Energie, Ségolène Royal, demande des clarifications à la direction du groupe.
Les salariés de cette usine se voient proposer des solutions de reclassement, notamment à Reichshoffen, à 200 kilomètres de là, en Alsace. C'est là que les activités de production de Belfort seront transférées selon la direction. Mais l'avenir n'y est vraiment pas des plus radieux. Il y a six mois, le secrétaire d'Etat français aux Transports, Alain Vidalies, a annoncé la commande de 30 rames de trains Intercités. Des rames qui devraient être construites dans cette usine de Reichshoffen. Mais le contrat n'a toujours pas été signé. Et s'il l'est, ce ne sera qu'un sursis pour l'usine alsacienne. Le carnet de commandes est rempli jusqu'en 2018, mais après, c'est le trou noir. Problème : 2018, c'est l'année où une partie des salariés de l'usine de Belfort pourraient venir travailler à Reichshoffen.
Les contrats signés à l'étranger ne donnent pas de travail aux ouvriers français
L'horizon est sombre en France. En fait, Alstom redéploie peu à peu son activité de construction à l'international. Le groupe français a décroché un énorme contrat outre-Atlantique. C'était il y a quelques jours : 1,8 milliard d'euros pour vendre ses TGV aux Etats-Unis. La compagnie Amtrak a commandé 28 trains, pour relier Boston, Philadelphie, Washington et New York. Mais en vertu du Buy American Act, ces rames doivent obligatoirement être fabriquées aux Etats-Unis. C'est donc dans l'usine Alstom de l'Etat de New York que les trains seront construits.
Il en est de même pour plusieurs contrats signés cet été : 80 trains de nouvelle génération vendus aux Pays-Bas. Ils seront construits sur le site polonais d'Alstom.
Trois sites du groupe en Italie vont aussi fournir 150 trains régionaux. En Afrique du Sud, à Johannesburg, Alstom a carrément ouvert une usine pour fabriquer près de 600 trains. Montant du contrat : 4 milliards d'euros. Alors, évidemment, produire dans chaque pays concerné est souvent une condition sine qua non pour obtenir le contrat. Et c'est bien ce point qui pose problème en France. Les chemins de fer français sont en difficulté financière. La SNCF achète peu de nouvelles rames aux constructeurs.
Mais il y a peut-être une éclaircie : Alstom et la SNCF ont conclu un « partenariat d'innovation », il y a quelques jours. Les deux sociétés sont en train d'établir le cahier des charges de la future génération de TGV. Mise en service prévue dans cinq ans.
Dans ce contexte, on imagine mal comment l'Etat pourrait ne pas intervenir dans ce dossier et inciter fermement Alstom à construire les rames du futur TGV en France. L'actionnaire public possède 20% des parts du groupe Alstom.
Le ministre de l'Economie, Michel Sapin, et son secrétaire d'Etat à l'Industrie, Christophe Sirugue, ont demandé jeudi 8 septembre au PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge, « d'engager une phase de discussion et de négociation » avant « toute décision définitive » sur l'usine de Belfort.