Aujourd'hui, la balance commerciale brute est le seul outil dont nous disposons. Les excédents de la Chine ou de l'Allemagne font des envieux partout dans le monde, et quand c'est l'inverse comme en France, par exemple, on s'en émeut et on déplore la faiblesse des exportations et son corrélat supposé : la désindustrialisation.
Pourtant, ces chiffres ne révèlent qu'une infime partie de la réalité, ils présupposent que la marchandise a été produite de A à Z dans le même pays. Or, avec la mondialisation, difficile de faire la part de ce qui est vraiment fabriqué sur place. C'est pourquoi les experts de l'OCDE proposent qu'on s'intéresse à la chaîne de valeur. Pour savoir précisément à quel endroit la valeur ajoutée a été créée. Par exemple, les voitures japonaises Toyota fabriquées en Australie pour être en partie réexportée ont besoin de câblage électrique assemblées sur les îles Samoa ; cela veut dire qu'une partie de la valeur ajoutée échappe à l'Australie. Ce n'est pas un phénomène nouveau mais c'est un phénomène global, tellement massif qu'il vaut la peine d'être mesuré.
La physionomie du commerce mondial est-elle bouleversée par le prisme de la chaîne de valeur ajoutée ?
Les chiffres globaux sont inchangés mais les données bilatérales sont considérablement modifiées. Prenons le cas de l'iPhone américain assemblé en Chine. L'assemblage ne représente que 4% de la valeur ajoutée du téléphone mais, dans le système actuel, il est comptabilisé à 100% au bénéfice de la balance chinoise. Avec les nouvelles règles proposées, la balance entre deux pays change. Par exemple, dans le cas des Etats-Unis, son déficit avec la Chine est moindre, tandis qu'il est plus lourd avec le Japon, un pays qui capte une plus grosse part de valeur ajoutée que la Chine.
Les enseignements de ce nouvel outil statistique
Première remarque : une grande partie de la valeur ajoutée d'un produit en apparence industriel provient du service lié à sa production. La part des services exportés est donc beaucoup plus grande que ce que laisse entrevoir les données brutes. C'est particulièrement vrai pour les pays occidentaux, plus de la moitié de leurs exportations proviennent des services d'après les chaînes de valeur examinées par les experts de l'OCDE. D'où la question que peuvent se poser les responsables politiques : est-ce bien l'industrie qu'il faut relancer ou les services qu'il faut doper pour améliorer la balance commerciale et au-delà l'emploi ? Deuxième constat : plus un pays exporte, plus il importe. L'Allemagne l'a très bien compris, l'une des clés de son succès à l'international réside dans sa capacité à faire produire à l'étranger ce qui génère le moins de valeur ajoutée. Quand on veut mieux vendre à l'étranger, il faut donc accepter d'acheter plus et mieux.