On ne compte plus les missions parlementaires sur le nucléaire voire les annonces de moratoires. L'Allemagne, pays où l’hostilité à l’atome est très forte, a été le premier pays à décider l'arrêt immédiat, pour trois mois, des sept réacteurs les plus anciens. La chancelière Angela Merkel a également annoncé un moratoire de trois mois sur la prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires. L’inquiétude est vive chez les Allemands. Des manifestations et des veillées ont eu lieu dans 450 villes à travers le pays pour réclamer la fin du nucléaire civil.
La Suisse, elle, suspend ses projets atomiques. D’autres, comme la Belgique, l’Espagne ou les Etats-Unis qui envisagent d'augmenter leur parc nucléaire, réfléchissent. Dès le lendemain de la première explosion à Fukushima, l’Autriche, historiquement opposée au nucléaire, a réclamé des tests de résistance pour toutes les centrales nucléaires de l’Union européenne. Le fait que ses partenaires européens l’aient suivie sur ce point montre que le débat sur le nucléaire est à nouveau d’actualité.
Un débat public
En France, deuxième pays le plus nucléarisé du monde, le débat agite la société civile. Les voix se multiplient pour réclamer un référendum sur l’arrêt du programme nucléaire. D’autant que certaines centrales sont très anciennes comme celle de Fessenheim, en Alsace, qui a été construite dans les années 1970. Pour le président Nicolas Sarkozy, il n’est pas question de sortir du nucléaire. Son ministre de l’Industrie Eric Besson a tout de même admis l’utilité d’un débat.
En Russie, l’accident à la centrale de Fukushima n’a pas provoqué de débat national, mais le Premier ministre Vladimir Poutine a ordonné une étude sur le secteur du nucléaire. L’inquiétude gagne également les pays qui ne disposent pas de nucléaire civil. C’est le cas de la Pologne qui s’apprête à construire sa première centrale et de l’Italie qui souhaite lancer un programme nucléaire pour produire quelque 25% de son électricité.
Mais pour Lionel Taccoen, spécialiste de l’énergie et ancien consultant auprès de la Commission européenne, tout dépendra des besoins énergétiques de chaque pays : « D’un côté, il y a les pays repus d’énergie, comme l’Europe et les Etats-Unis, qui vont être réticents à la relance du nucléaire. De l’autre, il y a les pays qui ont de forts besoins énergétiques, comme la Chine, l’Inde, l’Afrique et l’Amérique du Sud. Ces pays là risquent d’avoir une réponse différente ».
Pékin gèle les approbations de projets
Les pays sud-américains qui prévoient de recourir au nucléaire s'interrogent eux aussi. C'est le cas du Chili situé dans une zone sismique mais dont le besoin d’énergie est pressant. A l’heure actuelle, le pays dépend à 55% du pétrole et du gaz importés et, pour le reste, de l’énergie hydro-électrique.
Les deux grandes économies émergentes tirent également les leçons du drame japonais. Pékin gèle les approbations de projets de centrales nucléaires. La Chine, comme l'Inde, va procéder à une révision de la sécurité de l'ensemble de ses installations nucléaires. En Inde, le nucléaire représente aujourd'hui 3% de la consommation électrique et, New Delhi voudrait faire passer cette part à 25% d'ici 2050 pour alimenter sa robuste croissance.
La crise au Japon va également peser dans les choix nucléaires de Pretoria. La ministre sud-africaine de l'Energie s’est montrée très prudente sur la construction de centrales dans son pays. Ces déclarations font planer un doute sur la suite que compte donner Pretoria à l'accord signé récemment avec la France à l'occasion d'une visite du président Jacob Zuma à Paris.