En moyenne, ce plan présenté comme le plus drastique de l’histoire de l’Irlande, va coûter 3 000 euros par famille. C’est dire l’ampleur des sacrifices demandés à une population déjà atteinte par une crise économique sans précédent, et par trois années, déjà, de rigueur budgétaire. Réduction des aides sociales, hausse des impôts, coupes claires dans les investissements publics, rien n’est épargné, ni personne. « A l’exception bien sûr, des véritables responsables de la crise », commente Fergus Whelan, l’un des représentants de l’ICTU, le principal syndicat irlandais. « Ce plan est un coup de massue pour la population la plus démunie du pays – mais il épargne les plus hauts revenus… et bien entendu les banques irlandaises, qui sont à l’origine de ce désastre ! ».
Les grands commis de l’Etat épargnés
Comme Fergus Whelan, les quelques centaines de manifestants venus protester devant le Parlement irlandais contre le plan d’austérité sont ulcérés par les mesures annoncées d’une voix froide par Brian Lenihan, le ministre des Finances. « Ce sont les plus faibles qui sont visés », s’indigne Desmond Bonass, de l’Organisation irlandaise de défense des sans-emploi, « ceux qui ont perdu leur travail, qui craignent de ne pas pouvoir payer leurs factures, leurs dettes, et même de ne pas trouver de quoi manger ! ».
De fait, le gouvernement de Brian Cowen n’a pas hésité à couper dans les aides sociales pour tenter de redresser les comptes public – ces coupes dans les budgets sociaux (allocations familiales, assurance chômage…) vont représenter jusqu’à un milliard d’euros sur les six milliards d’euros d’économies prévus dans le budget 2011. Et devant le Parlement, les efforts demandés aux grands commis de l’Etat paraissent dérisoires au regard des sacrifices imposés aux plus fragiles : « Brian Cowen va voir son salaire amputé de 14 000 euros par an, mais il touchera encore plus de 200 000 euros », s’indigne Lucinda, affublée d’une pancarte au slogan explicite (« Brian’s wage gives me rage – le salaire de Brian me fout les boules »). « Moi, je suis au chômage, aujourd’hui je touche 800 euros par mois et avec ce nouveau budget je toucherai encore moins d’argent ! », explique Lucinda.
Des Irlandais résignés
Mais cette colère tantôt froide, tantôt bouillante – surtout lorsque les tambours du Sinn Fein se joignent au vacarme des casseroles, tranche avec la résignation et le fatalisme qui règne ailleurs à Dublin. Les quelques centaines de manifestants venus dénoncer mardi soir 7 décembre ce budget d’austérité en sont d’ailleurs parfaitement conscients. « Je pensais que nous serions des milliers, regrette un étudiant en arts plastiques, je ne comprends pas que l’on puisse accepter de payer pour les erreurs commises par d’autres sans se révolter ! ».
Il est vrai que depuis l’annonce de l’aide octroyée par le FMI et par l’Europe, depuis la grande manifestation organisée le 27 novembre dans les rues de la capitale irlandaise, la grande majorité des Irlandais semblent s’être résignée à ces mesures d’austérité. Bien plus que la colère, c’est un sentiment d’abattement et souvent de désespoir qui s’exprime, désormais, dans la capitale irlandaise. « Je suis profondément inquiète pour mes deux filles, raconte cette mère de famille, elles ont la vingtaine toutes les deux, elles sont professeures et n’ont pas de travail ! J’ai peur qu’elles soient obligées d’émigrer comme je l’ai fait quand j’avais vingt ans. »
Inquiets pour l’avenir, atterrés par l’ampleur de la crise, et de son coût, la plupart des Irlandais attendent en fait les élections pour manifester leur colère à l’encontre du gouvernement et de Brian Cowen. Le « Taoiseach », le Premier ministre irlandais, sait qu’il vit ses derniers mois à la tête du gouvernement : des élections anticipées seront organisées au plus tard en février 2011, après l’adoption définitive du budget. Et les sondages ne lui donnent aucune chance : selon les dernières enquêtes, il serait crédité de moins de 10% d’opinions favorables.