«Youth», Paolo Sorrentino, un regard, deux directions

Regarder dans deux directions en même temps sans loucher, voilà l’exercice délicat et cinématographique auquel s'adonne avec une grande joie Paolo Sorrentino. Il y a deux ans, il nous avait fait un grand cadeau avec « La Grande Bellezza ». Cette année, le grand cinéaste italien est avec « Youth » en lice pour la Palme d’or qui sera décernée ce dimanche 24 mai.

Pour l'avouer d’entrée : non, on ne fait pas partie de ceux qui pensent que Paolo Sorrentino aura la Palme d’or pour Youth. Et pourtant, c’est un délice de regarder comment des grands acteurs comme Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz, Paul Dano ou Jane Fonda célèbrent leur métier.

Au centre de l’histoire se trouve un endroit merveilleux et nostalgique à la fois, la Schatzalm à Davos. Et au milieu de ce bel hôtel au pied des Alpes suisses, Sorrentino a placé Michael Caine et Harvey Keitel, dont les points de vue divergents font naître cette ode à la vieillesse déguisée avec un titre qui est plus une aspiration qu’une inspiration : Youth, « jeunesse ».

Les « chansons simples »

Les deux vieux, qui flirtent avec les 80 ans, comptent chaque jour le nombre de gouttes qu’ils arrivent encore à sortir de leur prostate. Sinon, chacun gère à sa façon les cheveux gris, les lunettes vissées sur le nez et son âge avancé : en tant que compositeur des célèbres « chansons simples » et chef d’orchestre heureux d’être à la retraite, Fred (Michael Caine) contemple pleinement la vie pendant que Mick (Harvey Keitel), réalisateur toujours en activité, enchaine les films comme s’il pouvait, avec les scènes enregistrées, se faire un crédit temps auprès du bon Dieu.

La pensée philosophique du film sort joliment formulée de la bouche de Fred lors d’une balade dans la merveilleuse nature qui entoure leur demeure. « C’est comme un regard à travers un télescope. Quand on est jeune, tout semble très près. C’est l’avenir. Mais quand on est vieux, le télescope se retourne et tout à coup tout semble très loin. C’est le passé. »

Des images esthétiques et oniriques

La question de la jeunesse est alors grandement réduite à une attitude : de quel côté se place-t-on pour regarder la vie ? Et là, on découvre que Fred se rince les yeux en regardant les jolies femmes qui fréquentent le spa et il se délecte des massages sensuels dispensés par une coquette masseuse aussi taciturne que jouissive (Luna Mijovic). Pendant ce temps, Mick continue à regarder en direction du passé en rêvant toujours de conquérir enfin Gilda Black (Jane Fonda), l’amour perdu de sa jeunesse.

Porté par des images esthétiques et oniriques comme des défilés de peignoirs ou de femmes nues, des corps flottants dans l’eau, de couples s’accouplant dans la forêt ou des prés fleuris, Paolo Sorrentino essaie de capter des grandes idées avec des images grandioses. Hélas, parfois il appuie trop fort. À la fin, la multiplication de plans savoureux et rencontres spirituelles - de Miss Univers jusqu’au moine bouddhiste qui pratique la lévitation - donne quelque peu l’impression d’un exercice de style certes virtuose, mais aussi absurde que de vouloir diriger sur une prairie les cloches de vaches.

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