Est-ce que pour vous vacances riment avec lectures ?
Quand je pars en vacances, j’essaie d’emporter au moins trois livres : un essai, un roman et un livre d’histoire.
Des livres qui sont liés d’une manière ou autre à l’Afrique ?
Pas toujours. L’essai oui, mais les autres livres n’ont pas nécessairement à voir avec l’Afrique. Ce sont souvent des livres découverts pendant l’année, mais que je n’ai pas eu le temps de lire. En période de travail, je lis utile afin de faire partager aux auditeurs un « livre d’actu », du genre Le crocodile et le scorpion de Jean-Christophe Notin,qui révèle les dessous de l’opération Licorne et le rôle de la France dans la guerre civile ivoirienne. D’autres livres plus fouillés, je les réserve pour les vacances. J’emporterai cette année notamment Critique de la raison nègre, le dernier livre d’Achille Mbembe, mais aussi Jusqu’ici tout va mal, le livre-portrait de Cécile Amar sur François Hollande.
Quel genre de lecteur êtes-vous, un lecteur consciencieux qui va jusqu’au bout une fois le livre commencé ?
Je lis souvent l’introduction pour voir où l’auteur veut nous emmener, avant de continuer. Même si un livre m’intéresse, je ne lis pas tout. Je lis souvent utile, en m’attardant sur des pages qui ont un rapport avec l’actualité. C’est ce que j’ai fait, par exemple, avec le dernier livre du Mauritanien Ahmed Baba Miske : La décolonisation de l’Afrique revisitée, c'est une fresque avec témoignages et analyses historiques. C’est un excellent livre, mais j’ai sauté les passages trop pointus sur la Mauritanie. Soyons honnête : je n’ai pas eu le temps d’aller au fond des choses. Ce sont peut-être mes limites.
Comment lisez-vous : assis, couché, affalé sur le canapé ?
Je change de position fréquemment. J’ai du mal à rester dans la même position trop longtemps. Je passe donc de la table au canapé. La seule constante : je lis le dos à la fenêtre. Il faut qu’il y ait de la lumière par derrière.
Est-ce que vous lisez à la plage ?
Je n’aime pas les plages !
C’est un rejet clair et catégorique !
Trop de soleil, trop de sable, trop de monde…
Lisez-vous toujours les livres sous leur forme papier ou avez-vous réussi à faire le saut numérique ?
Je ne l’ai pas encore fait, mais j’ai peur de devoir le faire parce que c’est tellement plus pratique. Avec une tablette, on peut sauter d’un livre à l’autre beaucoup plus facilement qu’avec le format papier.
Alors, qu’attendez-vous pour passer à la tablette ?
J’hésite parce que j’ai peur d’être privé du plaisir de garder dans ma bibliothèque les livres que j’aime. J’aime bien avoir sous la main les livres que j’ai aimés. Il y a des personnes que j’ai aimées et qui ne sont plus de ce monde, mais dont j’ai gardé les livres. J’ai l’impression qu’on garde un peu de leur âme en conservant leurs livres.
Votre premier souvenir de lecture ?
C’est un livre pour enfants qui racontait la vie d’une famille de pygmées nomades dans la grande forêt équatoriale. L’album comportait de magnifiques images de la forêt et des pygmées fabriquant des huttes pour la nuit. Je me vois encore : je suis fasciné par ces images, par la vie de cette famille qui se déplace dans la forêt avec tant de facilité. Je ne sais pas encore lire. Mais comme j’ai envie de savoir ce qui est marqué en bas des images, je demande à mon père de me lire les légendes. Il est à la maison, c’est un dimanche matin. Il me lit à haute voix. Je suis subjugué !
C’était prémonitoire. Diriez-vous que votre intérêt pour l’Afrique est né à partir de cette lecture d’enfance ?
Non, non, je ne crois pas ! (rires) Disons que c’est un hasard amusant, mais un hasard quand même.
Quels sont les livres qui vous ont aidé à vous construire pendant l’adolescence ?
J’ai grandi en lisant les manuels d’histoire. J’étais fasciné par les guerres, les batailles. Je me souviens encore de mes manuels à l’école primaire qui racontaient de manière très vivante les grands événements de l’Histoire de France, avec des illustrations qui mettaient le feu à mon imagination : le baptême de Clovis, la bataille de Bouvines, Jeanne d’Arc au milieu de ses moutons quand elle entend les voix qui lui commandent d’aller sauver le Dauphin. Il y avait en particulier une illustration représentant une scène de la bataille de Bouvines qui m’avait énormément frappé. On voit dans cette image le roi Philippe Auguste, monté sur son cheval, tentant de se dégager des mains de ses agresseurs. J’ai encore dans la tête la couleur de la tunique du roi, son casque. Je ne regardais pas que les images, je dévorais aussi les longues légendes qui expliquaient les causes et les conséquences de ces conflits. C’était cela, mon premier rapport à la lecture.
Est-ce que la fiction a compté pour vous ?
Je n’ai jamais été très emballé par les romans qu’on me faisait lire quand j’étais jeune garçon. Les romans de Jules Verne me barbaient, sauf Michel Strogoff. Heureusement que le cinéma existe. C’est un téléfilm anglais en plusieurs épisodes qui m’a donné envie de lire Guerre et paix de Tolstoï. Le Rouge et le Noir de Stendhal a été le premier roman que j’ai vraiment eu plaisir à lire, sans passer par le cinéma. Si j’ai eu du mal avec la littérature, c’est sans doute parce que, dans ma famille, on est plus porté sur l’histoire que sur la littérature.
Lisez-vous des romans africains ?
Oui, bien sûr. Kourouma m’a plu à cause de son approche historique. Les Soleils des indépendances est l'un des premiers romans africains que j’ai lus. Boyd n’est pas africain, mais j’aime bien aussi, car ses romans, comme Un Anglais sous les tropiques, donnent une image truculente de l’Afrique contemporaine.
Un livre que vous ne lirez jamais ?
Réponse facile : les livres de cuisine ! Cela dit, je ne m’interdis rien. Même pas les livres indigestes d’il y a cent ans. C’est intéressant de voir la tournure d’esprit de ceux qui ont fait la Première et la Deuxième Guerre mondiale.
Pourquoi faut-il lire ?
Disons pour avoir des réponses aux questions qu’on se pose dans sa vie.