Est-ce que vacances riment avec lectures pour vous ?
Oui, mes vacances riment avec lectures. Quel bonheur de pouvoir enfin lire autre chose que des dossiers. Je lis pendant les vacances ce que j’appelle des livres « inutiles », chose que je n’ai pas le temps de faire pendant l’année. Ne me méprenez pas, je n’emploie pas le terme «inutile » dans un sens péjoratif. Pour moi, inutile ne signifie pas inintéressant ou désagréable. Au contraire, les vacances sont le moment où je peux renouer avec le plaisir de lecture, après avoir passé des mois à lire par obligation.
Quels sont les livres « inutiles » que vous lirez cette année ?
« Inutile » n’est pas un terme très approprié pour les livres que je veux citer. Difficile de qualifier d’inutile Mali, ô Mali d’Eric Orsenna, un livre que je veux absolument lire. J’aimerais aussi lire cet été un livre qui a été primé par une radio qui n’est pas la nôtre, mais qui ne révèle pas moins chaque année d’excellents auteurs. Cette année, le jury du prix du Livre Inter – il s’agit bien de France Inter - a primé Faillir être flingué de Céline Minard. C’est un western revisité. Je sais qu’il me plaira car il a un format qui est proche du polar. Je dois vous avouer que j’ai un faible pour les récits à suspense. Je peux rester des heures à lire un polar, totalement coupée du monde. J’aime être captivée par un livre.
Comment faites-vous le choix des livres à lire pendant l’été ?
J’accumule. J’achète des livres tout au long de l’année, presque désespérément et au gré des sorties. J’en reçois aussi quelques-uns. Mais j’aime aller acheter à la librairie, choisir, être conseillée éventuellement par un libraire. Je tiens aussi beaucoup compte des conseils des amis, des confrères, des conseils donnés au détour d’une conversation. « Tiens, j’ai lu ça, c’est super ! Je pense que ça te plaira ». J’en prends note et je me procure le livre en question lorsque je retourne dans une librairie. Il vient s’ajouter aux piles qui s’amoncellent dans un coin de la maison. Les vacances, elles servent aussi à diminuer ces piles.
Il y a un autre moyen de diminuer les piles, c’est de passer au livre numérique. Cela ne vous a jamais tenté ?
Non, pas encore. Je n’y suis pas hostile a priori, car je suis consciente qu’une tablette est moins encombrante qu’une pile de livres dans une valise de vacances. Mais je suis restée encore attachée à l’objet livre : j’aime le feuilleter, le garder dans la bibliothèque, le ressortir. Je ne revends pas mes livres. Je les prête, mais j’aime qu’on me les rende. Enfin, si j’hésite à passer au livre numérique, c’est aussi parce que je trouve que dans la journée nous passons beaucoup de temps sur les écrans, à lire, à téléphoner, à regarder des infos à la télé. Lire sur papier le soir est une perspective réconfortante, après une longue journée devant les écrans.
Avez-vous une position préférée pour lire ? Un lieu préféré ?
J’aime lire vautrée dans un canapé, ou allongée sur une chaise longue ou sur une serviette si je suis à la plage. Quant au lieu, ça n’a pas d’importance. Il m’arrive de lire dans des lieux publics, dans un jardin ou dans un aéroport en attendant mon vol. J’arrive à faire l’abstraction de mon entourage pour me concentrer sur ma lecture.
Est-ce que vous avez un rituel de lecture ?
Pas de rituel de lecture. Enfin, si : j’ai un rituel de « délecture ». En fait, quand je finis un livre que j’ai beaucoup aimé, je laisse passer un peu de temps avant de plonger dans un autre.
Par fidélité ?
Disons, pour infuser un peu… Pour rester encore dans la suite de l’histoire. J’ai un peu cette façon de lire, surtout pendant les vacances d’été quand je peux prendre tout mon temps.
Votre premier souvenir de lecture ?
J’ai commencé à lire de manière autonome à partir de 7-8 ans. Comme beaucoup d’enfants de ma génération, j’ai commencé par la série de Oui Oui, dans la « Bibliothèque rose ». J’ai lu aussi Le Club des Cinq. J’ai toujours aimé lire, je crois. Je trouvais ça très agréable. A dix ans, j’ai découvert les classiques de la littérature jeunesse, notamment Le Journal d’Anne Franck. A la même époque, mon père m’a offert Le Petit chose d’Alphonse Daudet dans une belle collection reliée. Ce cadeau a beaucoup compté pour moi car j’ai eu tout d’un coup l’impression d’être devenue très grande. Vous vous rendez compte: un livre pour moi toute seule, que je n’avais pas à partager avec les autres ! Aujourd’hui, devenue adulte, chaque fois que je m’isole pour lire, inconsciemment j'essaie de remémorer les sensations que j’ai éprouvées, petite fille, lors de ma lecture assidue du Petit chose.
Peut-on dire que votre goût pour la lecture date de cette époque ?
J’ai eu la chance d’avoir des parents qui considéraient que la lecture était importante. Ils nous permettaient de lire ce qu’on voulait. La seule fois, je me souviens, où on m’a fait une remarque, c’était quand j’ai voulu lire Les aventures de Tintin. Mon père m’avait vu avec sous les bras Tintin au Congo. Tournant les pages de l'album avec moi, il m’a demandé si je trouvais ça normal que l’on parle en hurlant aux gens, comme le fait Tintin en s’adressant aux Congolais. « Tu trouves ça normal, Cécile, que l’on fasse parler les adultes dans un français enfantin ? » Je n’avais que 10 ans. Qu’est-ce que je savais du racisme ? Mais la leçon de mon père m’a ouvert les yeux.
C’était une belle leçon de civisme. Croyez-vous qu’on puisse transmettre le goût pour la lecture ?
Oui, je crois. Surtout, par la vertu de l’exemple. Quand j’étais môme, j’étais très impressionnée de voir des adultes autour de moi absorbés dans leurs lectures. Je me disais que s’ils consacrent autant de temps et d’énergie à la lecture, c’est parce que le livre est important. Aujourd’hui, à mon tour, je fais comme eux. J’ai reproduit le schéma familial. J’imagine que les jeunes adolescents autour de moi qui me voient passionnée pour la lecture, sont à leur tour interpelés.
La découverte de la littérature au lycée a-t-elle été quelque chose d’important ?
Très important. Je suivais une filière scientifique jusqu’en terminale, mais en même temps comme j’adorais lire, j’allais à des cours de littérature. En première, l’année du bac français, j’ai eu une professeure de français qui était extraordinaire. Elle nous a montré les secrets de fabrication. Comment on écrit ? Comment lire ? Avec elle, l’expérience de la lecture est devenue vraiment jouissive. Du coup, j’ai ensuite fait des études littéraires après le bac.
Parmi les classiques de la littérature que vous avez découverts au lycée, y en a-t-il un que vous aimeriez aujourd’hui relire ?
Peut-être Moderato cantabile, de Duras. C’est un petit livre. Je ne sais pas si je l’aurais lu toute seule, mais la lecture en classe, surtout avec cette professeure, fut à la fois une découverte et un émerveillement. Elle nous a fait découvrir l’univers de Duras, à travers son style, ses personnages d’une modernité étonnante. J’aimerais relire aujourd’hui Moderato cantabile, ne serait-ce que pour voir ce qui m’est resté de cet enseignement.
Le dernier livre que vous avez aimé lire ?
J’ai une amie qui écrit. Elle s’appelle Sophie Bassignac. Elle publie chez Lattès. Elle m’avait donné à lire son dernier roman, au titre emprunté au vocabulaire de la météo : Mer agitée à très agitée. Je l’ai lu avec plaisir. Ce qui m’a plu, c’est la façon qu’a Sophie de décrire ses personnages. C'était un moment de lecture très agréable.
Un livre que vous ne lirez jamais ?
Je ne sais pas comment répondre à cette question. Je ne m’interdis rien. Si j’avais le temps, je lirais tout. N’est-ce pas une chance incroyable d’avoir accès aux livres, à la lecture ? Chaque livre est une ouverture sur le monde, sur l’ailleurs, sur l’Autre. Disons un livre que je ne lirais jamais, c’est le livre que je n’aurais pas le temps de lire...