Laurent Berthault: «Lire un bon livre est une récompense»

Chroniqueur, journaliste, Laurent Berthault fait partie des « historiques » de RFI. Avec ses deux compères, Catherine Rolland et Frédérique Lebel, il concocte tous les jours Accents d'Europe, émission phare de la radio mondiale consacrée à la vie quotidienne des Européens Ses lectures de vacances nous conduisent de l'histoire de la France à la fraîcheur nordique, en passant par l'Amérique indienne et méconnue.

Vacances riment-elles avec lectures pour vous ?

Quel luxe de pouvoir tout arrêter en pleine journée pour se poser avec un livre, sans savoir quand la lecture s’arrêtera. Plaisir des plages infinies…

Est-ce que pour vous les vacances sont propices à un certain type de lecture ? Des lectures légères pour tuer le temps ?

Comme le reste de l’année, je confesse dévorer plutôt des romans étrangers et des polars, essentiellement du polar nordique. Mes lectures vont de l’Islandais Arnaldur Indridasson, auteur de notamment La cité des Jarres, La femme en vert, à l’Ecossais Peter May qui a écrit entre autres L’homme de Lewis.

Comment lisez-vous, installé chaudement à la plage ou enfermé dans votre chambre ?

J’adore faire traîner le café du matin avec un bon bouquin (quand la maison dort encore…) jusqu’au café suivant. J’aime aussi, à l’heure de la sieste, m’assoupir un livre à la main, dans une chambre fraîche, et emporter son histoire dans ma rêverie. Le bouquin emmené sur la plage sera de poche, et souvent « soufflé » pour en faire disparaître les grains de sable qui s’insinuent entre ses pages. Et chaque soir, le livre est un compagnon fidèle avant la grande traversée nocturne. Les mauvaises nuits, il sera là aussi pour accompagner mes insomnies.

Cette belle idée du bouquin « soufflé » implique que la lecture sur tablette n’est pas votre truc. Sans doute parce que la tablette est trop prosaïque…

J’ai toujours été méfiant envers les « livres à piles ». Je reste attaché à « l’objet », toujours prêt, sorte de « doudou » qu’on trimbale dans les transports, en week-end. C’est vrai aussi pour les disques 33 tours – voire les 78 tours. J’aime le contact rassurant du papier. Consommateur régulier de romans ou de polars que je ne relirai pas – à quelques exceptions près ( Aarto Paasilina, par exemple) -, je préfère les donner que d’opter pour la solutions des livres en « fichiers ». Cela dit, il m’est arrivé de lire sur iPad, j’ai trouvé ça très pratique, mais le côté froid de l’objet me rebute un peu. En revanche, pour des voyages au long cours, je suppose que c’est assez magique d’emporter 200 bouquins dans 300 grammes.

D’où vient votre goût pour la lecture ? Y avait-il beaucoup de livres chez vous quand vous étiez petit ?

Ma mère a toujours lu et beaucoup. Elle lisait aussi des histoires à ses enfants. Je crois que mon goût pour la lecture vient d’elle. C’est aussi simple que ça. Je me souviens précisément de mon apprentissage de la lecture, et j’ai trouvé ça magique. Troisième enfant d’une fratrie de quatre, j’ai hérité de la bibliothèque de mes frères et sœur aînés, grands lecteurs eux aussi : tous les livres d’images dont j’ai oublié le nom, la bibliothèque rose avec la série des Oui oui et verte avec le Club des 5, Bennett et Mortimer, puis les récits d’aventure de Jules Verne… Je n’oublie pas la découverte des encyclopédies : Tout en Un, Quillet, la fantastique collection de Tout l’univers et l’encyclopédie Alpha, deux collections patiemment constituées car régulièrement, on recevait par la poste des cahiers d’une cinquantaine de pages que l’on devait insérer dans des reliures, et après quelques années, l’encyclopédie était complète. Aujourd’hui encore, mes enfants aiment bien s’y plonger. J’ai toujours lu beaucoup, enivré par les histoires qui m’emmenaient très loin. J’ajoute que la télé n’a fait irruption dans la maison qu’en 1971, j’avais 6 ans, et les programmes pour enfants étaient succincts. Le pli du livre était pris depuis trop longtemps pour que la pratique soit remise en cause. Enfin, la rencontre avec deux profs de français enthousiastes a fini de faire de moi « un littéraire ».

Votre premier souvenir de lecture ?

Mon premier vrai souvenir littéraire, c’est Oui Oui d’Enid Blyton, avec un univers assez effrayant pour un enfant, je dois dire ! J’en ai conçu quelques cauchemars. Mon premier livre, c’est un livre en carton de quelques pages qui est toujours chez mes parents et que je trouve très niais et convenu aujourd’hui. C’est fou de voir comment la littérature enfantine a gagné en qualité et ne cherche plus à tout prix à montrer ce qui est bien, mal, dans la norme ou pas. Je trouve que actuellement les enfants ont un espace plus grand pour se forger eux-mêmes une opinion, une vision de la vie qu’à cette époque des années 1960 où les livres étaient d’abord distrayants mais surtout orientés « filles », « garçon », « bien », « mal ».

Le dernier livre que vous avez aimé lire ?

Léon et Louise d’Alex Capus, chez Acte Sud. Le portrait tendre et non convenu, à travers la seconde moitié du XXe siècle, d’un couple « illégitime » et indestructible. C’est le roman d’un écrivain allemand très bon connaisseur de la France, de son histoire et de Paris.

Un livre que vous aimez offrir ?

Cela évolue avec les années : après avoir conseillé, prêté ou offert les livres de Henning Mankel et de son héros Walander, je recommande Murakami, notamment son livre La course au mouton sauvage. J’aime aussi partager les romans déjantés et hilarants du Finlandais Aarto Paasilina : Prisonniers du paradis, Petits suicides entre amis, Le fils du dieu de l’orage, Le lièvre de Vatanen… Et récemment, La Chorale des garçons bouchers de l’écrivaine américaine d’origine germano-indienne Louise Erdrich.

Le ou les livres que vous ne lirez jamais ?

Dans le désordre, les essais d’hommes politiques, les biographies de célébrités éphémères, le livre dont tout le monde parle.

Pourquoi est-ce que vous lisez ?

Le livre est un formidable support à l’imaginaire, une drogue douce et légale. Lorsqu’il me séduit, me captive, lorsque je me réjouis à l’avance de le retrouver le soir, je me dis que c’est l’addiction la plus bénéfique et innocente qui soit. Lire est un besoin, lire un bon livre est une récompense.

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