Laurent Sadoux: «Ma vie entière rime avec lectures»

On ne présente plus Laurent Sadoux. C'est l'artiste et l'artisan du Journal d’Afrique midi de RFI. Son grand art consiste à dire l’actualité sur le mode de persiflage et de conversation. L’empathie n’y est jamais absente, comme le rappellent sa voix chaleureuse et son «Prenez soin de vous » en guise de clôture de sa demi-heure d'information.

Est-ce que vacances riment avec lectures pour vous ?

Ma vie entière rime avec lectures. Chez moi, il y a plus de trois mille livres. Il y en a partout, dans le couloir, posés contre le mur, dans les étagères, dans ma chambre, dans mon bureau…Je ne sais plus où les ranger. Plus grave encore, je ne saurais pas vous dire si j’ai tel ou tel livre dans ma bibliothèque. Parfois, par miracle, je tombe sur un livre que j’avais oublié sous une pile de papiers. Je suis content de le retrouver. C’est comme revoir un ami que j’aurais perdu de vue depuis longtemps.

Pour vous, les livres sont des amis ?

Je trouve cela très réconfortant de vivre entouré de livres. Oui, les livres sont des amis, des mentors, des confidents et beaucoup d’autres choses encore. Mais je sais aussi que quelle que soit la passion que je puisse avoir pour la lecture, je ne pourrais jamais tout lire. C’est vertigineux de prendre conscience de nos limites face à l’immensité des savoirs.

Comment est né ce goût pour la lecture ?

Je le dois à mes grands-parents qui m’ont initié à la lecture. L’un des premiers livres qu’ils m’ont donné à lire, c’était, je crois bien, Le Petit Poucet. J’ai adoré ce livre à la couverture cartonnée. J’ai eu le cœur brisé quand je l’ai perdu. J’ai retrouvé un exemplaire de la même édition en surfant sur le net. J’ai téléphoné à la personne qui l’avait mis en vente. Quelle ne fut ma surprise de constater que nous étions voisins. Je me suis rendu chez lui pour récupérer le livre. L’homme m’a invité dans sa cuisine pour prendre un café. Et qu’est-ce que je vois par la fenêtre de sa cuisine ? L’école où j’avais appris à lire et écrire ! Inutile de dire combien j’étais ému. Il a suffi que je fasse 50 mètres pour retrouver un passé vieux de quarante ans !

Y avait-il beaucoup de livres chez vous quand vous étiez petit ?

Oui, car mes parents étaient des bibliophiles et des bibliophages. Dans notre maison de campagne, je me souviens encore, il y avait une armoire fermée à clef. Il y avait dans cette armoire des livres pour adultes que nous, les enfants, n’avions pas le droit de toucher. Cela dit, avec mes cousins, on savait où se trouvait la clef. Très vite, l’enfer n’avait aucun secret pour nous.

Vous êtes tous les jours à la radio. Quand trouvez-vous le temps de lire ?

J’aime beaucoup lire le matin au petit déjeuner. Dans la journée quand je sors, j’ai toujours un ou deux livres dans mon cartable. Je bouquine dans le métro. Parfois quand je me retrouve seul le soir, je vais dîner dans un restaurant. Avec toujours un livre sous les bras. En fait, je peux lire partout, mais pour moi le meilleur endroit pour lire, c’est le train. Pourquoi le train ? Il y a quelque chose dans le rythme du train qui m’aide à entrer en communion avec les autres mondes que les livres invitent à découvrir.

Comme vous lisez tout le temps, je peux difficilement vous imaginer partir en vacances sans un ou deux, voire même plusieurs livres dans votre besace…

Je dirais en reprenant votre belle formule, « oui, les vacances riment avec lectures pour moi ». Elles riment d’autant plus que j’ai plus de temps pour lire. Je suis un gros consommateur de livres pendant les vacances. Il me faut un livre par jour. Je lis des romans, mais aussi des biographies, des nouvelles. Quand je suis en vacances en province, je lis aussi les journaux locaux pour écouter se battre les pulsations de la France profonde. Je trouve magistrales les pages consacrées aux faits divers : une municipalité a fait réparer un trottoir parce qu’une vieille dame s’était cassée le pied, la remise de la coupe à des jeunes gens qui ont remporté le championnat local du basket. Ces informations anodines donnent parfois lieu à des récits palpitants d’aventures. Je me suis souvent dit qu’il fallait avoir la poésie rivée au cœur pour donner aux lecteurs envie de lire les faits divers.

Comment choisissez-vous les livres que vous lisez pendant les vacances ?

J’ai la chance d’avoir une formidable libraire de quartier. Je fréquente sa librairie depuis plus de 10 ans. J’y vais au moins une fois par semaine. Elle me dit : « Ça, c’est pour toi. Il faut que tu le lises. » Je le lis et je reviens lui en parler autour d’une tasse de thé, avec un peu de chocolat.

Le dernier livre que vous avez lu et qui vous a enthousiasmé ?

Je viens de lire Le Chapeau de Mitterrand, par Antoine Laurain. Un véritable régal. C’est l’histoire d’un petit monsieur prénommé Daniel qui se retrouve seul à Paris. Pour oublier sa solitude, il va dans une grande brasserie parisienne et commande un plateau de fruits de mer. Pendant ce temps, à la table d’à côté viennent s’installer François Mitterrand et deux de ses ministres. Les illustres convives entament une conversation politique passionnante. Notre héros n’en perd pas une miette. Il rallonge son dîner pour ne rien rater. Leur repas terminé, Mitterrand et ses amis se lèvent et s’en vont. Mais le président a oublié son chapeau. Daniel décide de se l’approprier en souvenir de la soirée. Le couvre-chef va lui porter bonheur et transformer sa vie. Je ne vais pas raconter le dénouement qui est inattendu et habile. Je recommande vivement ce roman réjouissant à tous ceux qui liront ces quelques lignes. Oui, prenez le temps de lire ce merveilleux bouquin.

Pourquoi est-ce que vous lisez ?

Pour me nourrir…

Mais encore ?

Pour satisfaire la gourmandise de mon âme !

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