Vacances riment-elles avec lectures pour vous ?
Oui, mais pendant les vacances, je fais le vide... Je ne partirai jamais avec un essai d’économie ou une revue de géopolitique dans ma valise, j'essaie de chasser pendant quelques semaines de ma tête tout ce qui me rappelle l'actualité. Pour moi, les lectures de vacances riment avec l’évasion, mais attention : évasion ne veut pas dire forcément roman. J'aime aussi beaucoup les biographies.
La dernière grande biographie qui vous a marquée ?
J’ai adoré lire la vie de Romain Gary, magistralement racontée par Myriam Anissimov dans son Romain Gary, le caméléon. Gary était un personnage multiforme qui m’a toujours fascinée. J’avais envie de remonter à l’origine de ses nombreuses identités. J’ai lu dans la foulée La promesse de l’aube, l’autobiographie où Gary raconte son enfance dans l’Europe centrale, et l'amour pour sa mère. Il lui avait fait la promesse d’être quelqu’un et a tenu sa promesse en devenant le grand écrivain qu’il fut. Sinon j'ai beaucoup aimé aussi celles de Hergé ou de Gaston Gallimard.
Quels sont les ouvrages qui vous accompagneront cet été ?
Je n’y ai pas encore réfléchi. Ce sera le coup de cœur avant le départ. J’espère avoir le temps d’aller faire mon marché avant de partir. J’ai la chance d’avoir une bonne librairie dans le quartier où j’habite. C’est une vraie librairie où le libraire lit les livres qu’il recommande.
Manifestement, les conseils de votre libraire ne seront pas étrangers à vos choix ?
Je me fie aussi à mon instinct. Quand je vais dans une librairie, j’aime bien feuilleter les livres, lire les premières phrases. Il me semble que l’entrée dans une histoire ou dans un roman, ça se joue souvent au démarrage. Pour moi, la lecture, c’est une question d’affinité ou d’envie du moment. Je ne suis pas du tout du genre à courir après les derniers livres parus ou les derniers prix littéraires. Je ne lis pas forcément un livre au moment où tout le monde en parle.
Apparemment, vous restez fidèle aux livres papier. Vous n’avez pas été tentée par la tablette ?
J'ai été tentée mais je n'ai pas encore franchi le pas. Peut-être parce que la dimension tactile, le contact avec le papier me manquerait trop ? Je ne sais pas. Je me dis que je perdrais peut-être en émotion et en plaisir en lisant sur une tablette. Cela dit, au travail, je lis évidemment les éditions numériques des journaux, et ça ne me pose aucun problème. Sans doute parce que je n'ai pas le même rapport affectif avec les journaux qu’avec les livres. Il y a quand même quelque chose qui me fascine dans le livre numérique, c’est de penser que tous ces livres que j’ai entassés chez moi pourraient être dématérialisés, tout en continuant d'exister... Magique !
Comment est né votre goût pour la lecture ? Y avait-il beaucoup de livres à la maison quand vous vous étiez petite ?
J’avais une grande sœur qui était une lectrice vorace. A part sa chambre encombrée de bouquins, il n’y avait pas tellement de livres à la maison. Mon goût pour la lecture est né lorsque je suis arrivée au lycée. C’est à ce moment-là, à l'adolescence, que je me suis rendu compte que les livres comptaient pour moi, notamment grâce à une prof de français qui m’a transmis sa passion. Et puis cela correspondait certainement au désir que j’éprouvais de m’évader du monde dans lequel je grandissais. Et les livres que je lisais me permettaient de comprendre que l’univers dans lequel je vivais n’était pas l’alpha et l’oméga de la vie. Il y avait d’autres univers, d’autres langues, d’autres cultures, d’autres façons de penser. Le monde ne s’arrêtait pas à la porte de notre appartement.
Quels sont vos premiers souvenirs de lecture ?
C’est Babar ! J’ai honte de le dire, mais c’est vrai. Je me vois encore assise par terre, en train de déchiffrer laborieusement, sur un album grand format illustré, les aventures de ce sympathique éléphant vert. C’est vraiment le tout premier souvenir de mes rapports aux livres. Quelques années plus tard, j’ai eu en main Le Petit Prince de Saint-Exupéry. Je devais alors avoir 6-7 ans. C’est mon premier souvenir vraiment littéraire. Je me souviens je ne comprenais pas tout, mais il y avait quelque chose dans l'univers de ce livre qui m’attirait. Une autre expérience de lecture qui m’a profondément marquée, c’est la découverte de La Métamorphose de Kafka, à l’adolescence. J’étais prise à la gorge dès la première phrase du livre : « En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte… » Pour accrocher, ça accroche ! J’étais une jeune fille insouciante et de tranquille. Découvrir qu’il pouvait y avoir tant de malaise, tant de souffrance dans un cœur humain m’a bouleversée.
On va sauter plusieurs années pour parler de vos lectures récentes. Le dernier roman que vous avez lu et apprécié ?
J’ai adoré lire Le Grand Cœur de Jean-Christophe Rufin. J’aime beaucoup Rufin. Je le suis depuis son premier roman L’Abyssin. J’ai hésité à acheter Le Grand Cœur. Je me suis dit que ce serait un livre austère, car l’intrigue se déroule au Moyen Âge. Mais comme Rufin est un formidable conteur, il vous fait rentrer dans son univers et participer aux amours et détresses de ses personnages, comme si vous y étiez. C’est fabuleux. Son livre raconte la vie de Jacques Cœur qui était l’argentier du roi Charles VII au XVe siècle. Ce que j’aime chez Rufin, c’est sa capacité à restituer le passé dans toute sa vitalité. Avec un bonheur égal et chaque fois renouvelé, il a évoqué l’Abyssinie du Négus dans L’Abyssin, la France en Amérique dans Rouge Brésil, avant de s’attaquer à l’Europe médiévale dans Le Grand Cœur.
Aimez-vous offrir des livres ?
Oui. J’ai offert récemment Heureux les heureux de Yasmina Reza. C’est un roman choral bâti autour d’un univers très parisien. Reza donne la parole tour à tour aux différents personnages, pour démonter avec brio les secrets et les artifices de ce monde tellement étriqué. Sinon j'adore aussi recevoir en cadeau des livres dont je ne soupçonnais pas l'existence.
Y a-t-il un livre que vous ne lirez jamais ?
Mein Kampf. La vie est trop courte pour lui accorder même une heure.
Pourquoi lisez-vous ?
Je lis pour mille raisons. Pour rester en éveil, pour ne pas rester figée sur des convictions, pour ne pas croire que la société où je vis est la meilleure de toutes : bref, c'est vital !