Tension extrême entre les deux Corées

Ce n’est pas la guerre, mais la Corée du Nord s’y prépare. Pyongyang a placé ses troupes en état d’alerte maximum mardi 25 mai, après que Séoul eut déclaré vouloir faire « payer » le Nord pour le naufrage du Cheonan. La Corée du Sud a affirmé, la semaine dernière, avoir la preuve que c'est bien une torpille nord-coréenne qui a coulé l’un de ses navires, tuant les 46 marins à son bord. Depuis cette déclaration, le ton n’a cessé de monter entre les deux capitales.

Le professeur Song Jang-jeong, spécialiste des questions nord-coréennes à l'Institut Sejong de Séoul, est formel : « C’est la pire crise que les deux Corées aient connu depuis l’attentat contre la Korean Air ». C’était en 1987, un appareil de la compagnie sud-coréenne avait alors explosé en vol et l’attentat avait été attribué par le Sud à deux agents nord-coréens. Même chose aujourd’hui pour le naufrage du Cheonan. La situation a d’ailleurs été qualifiée « d’extrêmement précaire » par la Maison Blanche. Les Etats-Unis ont immédiatement apporté leur soutien le plus total à Séoul.

« Barack Obama appuie le président sud-coréen Lee Myung-bak », martèle Hillary Clinton à Pékin. La Secrétaire d’Etat américaine participe au dialogue stratégique USA-Chine avant de gagner Séoul mercredi. Après Tokyo, l’objectif est de réunir le maximum de soutiens pour avoir le meilleur jeu possible devant le Conseil de sécurité des Nations unies et obtenir d’éventuelles nouvelles sanctions contre Pyongyang. C’est donc une partie diplomatique très intense qui se joue en ce moment. Comme toujours concernant la péninsule coréenne, les pays impliqués n’ont pas changé depuis la fin de la guerre de Corée en 1951. Il y a six joueurs autour de la table : les deux Corées, bien entendu, la Chine alliée traditionnelle de la Corée du Nord, la Russie ancien allié de la Corée du Nord, les Etats-Unis alliés de la Corée du Sud, et le Japon qui se dit très inquiet de la menace nord-coréenne.

La carte de la dissuasion militaire

A chaque fois que le régime de Kim Jong-il va trop loin, Séoul et Washington bombent le torse. Les Etats-Unis maintiennent 28 000 soldats en permanence en Corée du Sud. Le Pentagone a fait savoir que des manœuvres conjointes aux marines des deux pays auraient lieu dans le courant de l’année. La dernière fois que ce type de manœuvres a eu lieu, c'était le 9 mars dernier, quelques jours avant le naufrage du Cheonan et déjà la Corée du Nord avait placé son armée en état d'alerte maximum en réaction. De nombreux observateurs restent toutefois sceptiques sur l’effet dissuasif de ces exercices conjoints.


Les mesures de rétorsion économique

A partir d’aujourd’hui la quasi-totalité des échanges avec le Nord ont été suspendus, souligne le Choson, le grand quotidien conservateur à Séoul. Cela signifie notamment que les cargos nord-coréens n’ont plus le droit de s’approcher des côtes sud-coréennes. Cela signifie aussi que les autorisations de travail pour les ingénieurs sud-coréens qui doivent se rendre en Corée du Nord sont suspendues pour le moment et seront à terme réduites de moitié, explique le ministère de la Réunification à Séoul. La Corée du Nord pourrait perdre jusqu’à 300 millions de dollars en investissements, selon cette même source. Mais pour l’instant ce sont surtout des discours car la zone de Kaesong en Corée du Nord n’est pas concernée. Pas question pour le moment de fermer ce complexe industriel en Corée du Nord où les entreprises sud-coréennes emploient près de 40 000 ouvriers nord-coréens.

Elections régionales au Sud

Cette nouvelle crise entre les deux Corées s’inscrit également dans un contexte politique. Les élections régionales sont prévues pour le 2 juin prochain en Corée du Sud et les conservateurs au pouvoir ont intérêt à jouer sur la corde sécuritaire. C’est d’ailleurs ce que reproche l’opposition sud-coréenne à l’actuel président Lee Myung-bak. Depuis son arrivée au pouvoir, les relations avec le Nord n’ont cessé de se dégrader. Certains n’hésitent pas à évoquer une probable instrumentalisation des événements.

Une guerre diplomatique

Tout se joue maintenant au niveau diplomatique. L’objectif pour Séoul et Washington est d’obtenir de nouvelles résolutions votées par le Conseil de sécurité de l’ONU. Les sanctions réclamées par la Corée du Sud ne pourront, en effet, être mises en œuvre sans l’appui de la Chine et des Etats-Unis. Pékin ne veut pas se retrouver isolé sur la scène internationale et ne cache plus son embarras vis à vis de son encombrant allié. Dans le même temps, la Chine a réaffirmé son appel au calme ce mardi, et préfère toujours le dialogue aux sanctions, Pékin craignant que des sanctions supplémentaires n'entraînent un nouvel afflux de réfugiés nord-coréens à sa frontière commune. Ces prochains jours vont donc donner lieu à une nouvelle bataille d’influences. Ce mardi, Wu Dawei est arrivé à Séoul. Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères est l’envoyé de Pékin sur la question du nucléaire nord-coréen. Mercredi, il sera rejoint à Séoul par Hillary Clinton. Et puis vendredi et samedi prochain auront lieu la rencontre tripartite entre les Premiers ministres chinois, japonais et sud-coréen. La rencontre est prévue à Cheju-do. La plus grande des îles sud-coréennes est située tout au sud de la Corée du Sud. Le plus loin possible de la Corée du Nord.

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