« L’échec de l’euro serait celui de l’Europe. Il s’agit d’une communauté de destin qui met en cause l’idée européenne ». Angela Merkel, d’ordinaire peu encline aux sorties pathétiques, a choisi pour son discours de politique générale devant le Parlement allemand des accents inhabituels. Une fois de plus, il lui fallait persuader ses concitoyens réticents de l’utilité d’un plan de secours pour la monnaie unique européenne dans lequel la part de l’Allemagne -148 milliards d’euros- est impressionnante.
Comme il y a deux semaines pour les aides à la Grèce, la chancelière est sûre d’avoir une majorité parlementaire derrière elle. Les Verts à nouveau ont annoncé qu’ils soutiendrait le plan. Angela Merkel espère cette fois obtenir l’appui des sociaux-démocrates qui s’étaient abstenus lors du précédent vote.
C’est aussi pour cette raison que la chancelière et sa coalition chrétienne-démocrate/libérale ont accepté d’avaler une couleuvre peu digeste pour eux en prônant une régulation plus stricte des marchés financiers. La gauche en avait fait une condition sine qua non de son soutien il y a deux semaines estimant que les « profiteurs » de la crise devaient aussi être sollicités dans le cadre du plan d’aide à la Grèce. La population partage cette opinion.
L’annonce, mardi 18 mai 2010, de l’autorité allemande de régulation des marchés financiers (Bafin) d’interdire immédiatement certaines ventes à découvert portant notamment sur les emprunts d’Etat de la zone euro, et ce jusqu'à fin mars 2011, constitue un exemple de cette offensive allemande. Ces transactions permettent de vendre des titres qu’on ne possède pas encore avec l’espoir de les racheter à un prix inférieur. Une spéculation nocive pour les monnaies et les Etats concernés.
Cette décision surprise et unilatérale de l’Allemagne a été modérément appréciée. La Commission européenne, en fait plutôt pour, aurait préféré une coordination au niveau international. La ministre française de l’Economie et des Finances Christine Lagarde a estimé : « Je pense qu’il aurait été une bonne chose de demander le conseil des pays voisins ».
L'Allemagne plutôt favorable à une taxe sur les bénéfices des banques
Berlin envisage par ailleurs de se rallier à une taxe frappant les transactions financières. Angela Merkel défendra au G20 une telle mesure. La chancelière a changé d’avis avant tout pour satisfaire ses partenaires européens et l’opposition allemande. Elle ne croit pas véritablement aux chances d’une telle mesure de s’imposer. Le week-end dernier elle déclarait au congrès de la confédération des syndicats allemands : « Je peux défendre cette mesure à longueur de jounée, ça ne me coûte rien. Mais dans quelque temps, vous viendrez me demander ce qu’il est advenu de ce projet ». Angela Merkel ne croit pas en fait à une mesure qui ne serait pas appliquée par la grande majorité voire l’ensemble de la communauté intenationale. Elle croit plutôt à une taxe sur les bénéfices des banques.
Cet engagement peu passionné explique aussi les réserves de l’opposition qui réclame vigoureusement une telle taxe. Les déclarations d’Angela Merkel ne satisfont toujours pas les sociaux-démocrates. Le patron de leur groupe parlementaire Frank-Walter Steinmeier a réclamé mercredi matin lors du débat au Bundestag des engagements plus concrets.
L’autre volet du discours d’Angela Merkel sur la crise de l’euro concerne « la culture de stabilité ». Un substantif qui rappelle directement le pacte européen du même nom que l’Allemagne avait imposé dans les années 1990 avant l’introduction de l’euro. Berlin souhaite que les problèmes actuels ne se reproduisent plus et plaide pour une plus grande vertu budgétaire des Etats membres de la zone euro. L’Allemagne souhaite des instruments plus contraignants pour les pays « laxistes ». Les limites du pacte de stabilité résidaient notamment dans le fait que les Etats étaient juges et partie et tranchaient sur les dérives budgétaires des uns et des autres. D’après un document de travail du gouvernement allemand que publie ce mercredi 19 mai le quotidien économique Handelsblatt, Berlin proposerait pour éviter ces dérives que la Banque centrale européenne ou des instituts indépendants soient chargés de sanctionner les Etats trop déficitaires.
Et les sanctions pourraient être modifiées. Plutôt que des « amendes » infligées aux Etats membres, des versements en provenance de Bruxelles en leur faveur pourraient être stoppés. Le même plan allemand prévoit ainsi la suspension des fonds structurels de Bruxelles pour les mauvais élèves. Ces derniers pourraient même être privés de leurs droits de vote dans les instances européennes pour « au moins un an ».
Last but not least, Berlin n’aurait rien contre une reprise par ses voisins d’une « ceinture de chasteté budgétaire » que l’Allemagne s’est octroyée à l’occasion d’une réforme constitutionnelle. La loi fondamentale prévoit qu’au plus tard en 2016 le déficit allemand ne devra pas dépasser 0,35% du produit intérieur brut contre les 3% autorisés par le pacte de stabilité européen.