Doutes persistants aux Etats-Unis comme en Europe après l'accord de Téhéran

L’Iran a accepté le lundi 17 mai 2010, à la demande du Brésil et de la Turquie, d’exporter 1 200 kilos d’uranium faiblement enrichi. Celui-ci serait envoyé en Turquie pour y être enrichi à 20% et servir ultérieurement de combustible à usage civil. Mais cet accord suscite de nombreuses interrogations tant aux Etats-Unis qu’en Europe. 

« De graves inquiétudes subsistent ». C’est ainsi que Robert Gibbs, porte-parole de la Maison Blanche, a résumé le sentiment du gouvernement américain après l’annonce de cet accord tripartite. Les efforts diplomatiques conjoints de la Turquie et du Brésil pourraient donc être mis à mal. Et ce, pour plusieurs raisons comme l’explique Vincent Eiffling. Il est chercheur au centre d'études internationales des crises et conflits de l'Université catholique de Louvain en Belgique :

Les Etats-Unis comme les Européens soulignent qu’ils doivent désormais étudier précisément le texte de l’accord avant de prendre une position définitive. Ils veulent également que l’Agence internationale de l’énergie atomique se prononce. L’AIEA qui avait précédemment proposé que l’uranium iranien soit enrichi en France et en Russie n’a pas été consultée avant la signature de l’accord avec la Turquie et le Brésil.
Dans les prochains jours, elle devra dire si elle peut mener à bien ses missions de contrôle au cas où l’accord de Téhéran serait mis en œuvre. Signe de la prudence des Occidentaux, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, tout en se disant « très content qu’il y ait eu un accord entre les trois pays », a souligné que « des progrès ont été enregistrés avec les Russes et les Chinois sur une nouvelle résolution au Conseil de sécurité ».

La méfiance reste de mise

Le consensus entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité sur de nouvelles sanctions risque néanmoins d’être entamé par cet accord de Téhéran. La Chine a ainsi espéré que cet accord « aidera à promouvoir une solution pacifique à la question du nucléaire iranien ». La Russie de son côté souhaite de nouvelles consultations entre les pays membres du groupe des cinq plus un pour évoquer les questions en suspens. Il faut dire que la méfiance reste de mise. D’autant que l’Iran a confirmé son intention de poursuivre sur son territoire l’enrichissement d’une partie de son uranium à 20%. Pour Jacqueline Schire, de l’institut pour la science et la sécurité internationale à Washington, cette décision est problématique :

A l’origine du nouvel accord, le Brésil et la Turquie se montrent bien évidemment plus optimistes sur l’avancée que représente le texte validé par les autorités de Téhéran. Celso Amorim, le ministre brésilien des Affaires étrangères estime que cet accord « est une sorte de passeport qui crée les conditions pour des discussions plus approfondies et permet à l’Iran d’exercer son droit légitime de développer l’énergie nucléaire à des fins pacifiques en incluant l’enrichissement de son uranium ».
L’accord aura également permis de confirmer la place particulière qu’entend désormais occuper la Turquie sur la scène diplomatique moyen-orientale. Pour Didier Billion, chargé de mission auprès du directeur de l’IRIS, l’institut pour la recherche internationale et stratégique à Paris, les autorités d’Ankara ont adopté une position qui leur offre une véritable opportunité dans un contexte de tension :

Le texte de l’accord de Téhéran doit désormais être transmis à l’Agence internationale de l’énergie atomique. C’est elle qui pourra dire si l’Iran offre désormais des garanties suffisantes pour écarter toute ambiguïté sur la nature de son programme nucléaire. En attendant, les Etats-Unis et leurs alliés européens que sont la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne vont poursuivre leurs efforts pour obtenir un compromis en vue d’éventuelles nouvelles sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies.
 

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